Page:Darien - L’Épaulette, Fasquelle, 1905.djvu/10

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— Vive la France ! Vive l’Empereur !

Il semblait fort, indestructible, aussi, le jour de la grande revue de Longchamps, à laquelle assistèrent les souverains étrangers ; et lors de nos nombreuses visites à l’Exposition, où il me donnait, jamais fatigué, toutes les explications que je lui demandais, et même davantage. Mais c’est surtout vers la fin de l’hiver dernier, deux ou trois jours avant Noël, qu’il m’apparut comme un être d’une puissance et d’une énergie surhumaines, fait pour durer éternellement. C’était dans notre salon, après dîner ; quelqu’un se mit à parler d’un discours prononcé au Corps Législatif, dans l’après-midi, par Jules Simon. Le colonel Gabarrot, peu au courant des affaires politiques, demanda des informations. On lui lut la partie d’un journal qui reproduisait le discours. Alors il se leva.

— Est-ce dans une cellule du Mont-Valérien ou dans un cachot de Vincennes qu’on a logé le nommé Jules Simon ? demanda-t-il d’une voix qui fit sursauter mon père en grande conversation avec Mme  de Lahaye-Marmenteau, et le général de Rahoul très empressé auprès de ma mère.

Mon père, en riant, répondit qu’on ne gardait plus que des araignées dans les cachots de Vincennes et que les procédés auxquels faisait allusion le colonel étaient peu compatibles avec la clémence de l’Empereur.

— L’Empereur a tort d’être clément, reprit M. Gabarrot d’une voix vibrante. Il a tort. Si je me permets de juger Sa Majesté, ce n’est pas à la légère, croyez-le. Mais je suis convaincu, profondément convaincu, qu’il est très mauvais pour la France que des propos comme ceux qu’on vient de citer puissent être impunément tenus à la tribune. Comment ! voilà un paroissien qui ose venir déclarer qu’il nous faut une armée qui ne soit à aucun degré une armée de soldats, qui ne soit imbue, à aucun prix, de l’esprit militaire, qui soit hors d’état de porter la guerre