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Page:Darien - L’Épaulette, Fasquelle, 1905.djvu/110

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vogel s’est présenté à l’hôpital. Il a remis à l’officier qui dirige l’établissement un ordre du commandant de place, dûment signé et contresigné. L’officier s’est incliné et a permis aux citoyens versaillais, représentés par M. Raubvogel, de prendre la direction des obsèques.

Le cercueil de l’officier français, mort au champ d’honneur, a été recouvert d’un énorme drapeau tricolore, commandé le matin par Estelle ; le corbillard était surchargé de fleurs bleues, blanches et rouges ; et du poêle descendaient des cordons tricolores que tenaient, avec componction et dignité, M. Raubvogel, M. Delanoix, M. Curmont, et un héroïque citadin qui se trouvait justement de faction à la porte du Chesnay, en qualité de garde national, lorsque les Prussiens firent leur entrée. La cérémonie a été imposante. Un peloton de soldats allemands accompagnait le cortège et a rendu au défunt les honneurs militaires. Après quoi, devant la fosse encore ouverte, Raubvogel a fait son discours. Ah ! que c’était beau ! Quelle éloquence poignante ! Et comme je voudrais pouvoir me rappeler tout ce qu’il a dit, mot pour mot !… Estelle pleurait. Tout le monde pleurait. Et Gédéon Schurke, qui se tenait près de moi, m’a glissé sournoisement un mouchoir dans la main, et m’a dit entre ses dents :

— Mais pleure donc aussi, toi !



J’ai été très choqué de m’entendre tutoyer par Gédéon Schurke, et je me propose de lui demander la raison d’une telle familiarité. Malheureusement, c’est une chose que je ne peux pas faire devant tout le monde, et il m’est très difficile de me trouver en tête-à-tête avec le valet de pied du cousin. Il est constamment en courses, à droite ou à gauche ; Delanoix et Raubvogel, profitant des longues