Page:Darien - L’Épaulette, Fasquelle, 1905.djvu/141

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… Plus tard, j’ai appris que cet homme, malgré tous les obstacles qu’on plaça sur son chemin, chercha à vivre ; il chercha à vivre par tous les moyens, même les plus infimes. Puis, il disparut. Un jour, dans un taudis d’un faubourg, on trouva le corps d’un individu misérablement vêtu et décharné par la misère. Le revolver dont il s’était servi pour se brûler la cervelle fit reconnaître le cadavre. C’était le général…

Mais à quoi bon dire son nom ? Il y a peut-être encore une demi-douzaine de Français qui ne l’ont point oublié.



La Commission de Revision des grades a conservé à mon père, sans discussion, ses épaulettes de colonel. C’est à cette occasion que j’ai vu, pour la première fois, les journaux donner des détails sur le combat de Nourhas. Mon père s’y est admirablement conduit. Quand ses troupes, composées pour la plupart de jeunes recrues, commencèrent à lâcher pied ; lorsque, écrasées sous le nombre et décimées par les obus lancés d’énormes distances, elles se retirèrent en désordre, le colonel Maubart ne renonça pas à la lutte. Après avoir vainement tenté de rallier ses hommes, et après avoir, pour donner l’exemple, tué de sa propre main un capitaine de mobiles qui s’obstinait à fuir, il prit le parti de se défendre jusqu’à la mort. À la tête d’une vingtaine d’hommes résolus, il gagna sous les balles la ferme de la Chevrette, bâtiment quadrangulaire élevé sur un mamelon qui domine le village de Nourhas. Il s’y enferma ; s’y barricada ; et là, pendant trois heures, contre des forces cent fois supérieures en nombre, il se défendit avec le courage du désespoir. Et l’ennemi ne pénétra dans la ferme, éventrée par les boulets, que lorsque les trois quarts de ses défenseurs eurent été tués ou mis hors de combat, lorsque le