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Page:Darien - L’Épaulette, Fasquelle, 1905.djvu/154

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sance des réalités présentes, des misérables déceptions du passé, Ils s’efforcent de se donner l’illusion de la foi — de la foi dans la présence d’un être supérieur qui les guide, les conseille et les protège… Le Prêtre leur donne l’illusion de la force mentale.

Les déploiements de drapeaux, les parades militaires entretiennent leur amour et leur respect de traditions sanglantes, leur inculquent la vénération des légendes pétrifiées de la Force. L’éclat des armes, le tintamarre des cuivres évoquent dans leur esprit des visions de gloire, font apparaître à leurs yeux glauques des fantômes de splendeurs héroïques. Ils cherchent, pendant que résonne la grosse caisse et que roulent les canons, à se donner l’illusion du courage — du courage civique, patriotique, humain… Le Soldat leur donne l’illusion de la force matérielle.

Autant, alors, être parmi ceux qui donnent l’illusion — ou qui la vendent — que parmi ceux qui l’achètent.

J’ai encore d’autres choses à dire ; mais ce sera pour plus tard.

Pour le moment, je pioche et je pioche, afin de rattraper beaucoup de temps perdu. Des succès modestes récompensent mes généreux efforts. Je décroche deux ou trois prix consistant en des Histoires de la guerre de 1870, couronnées par l’Académie Française, et qui célèbrent, comme il convient, la gloire des vaincus. Je travaille tant, que je me tiens très peu au courant de la politique dont l’étude, pourtant, est si nécessaire à l’officier ambitieux. J’en connais tout juste les plus gros événements, tels que le remplacement de Mac-Mahon à la Présidence par Jules Grévy, le 30 janvier 1879. C’est à peine, même, si je prends le temps de faire le paon et de poser à l’officier, pendant mes sorties. J’ai appris, bien entendu, à jouer du torse dans ma tunique de collégien et à faire des effets de képi ; mais à quoi bon ? Versailles reprend de plus en plus