Page:Darien - L’Épaulette, Fasquelle, 1905.djvu/160

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— De mon temps, a-t-il dit, les différences d’origine d’écoles préparatoires n’avaient pas encore apporté leur note discordantes à Saint-Cyr. Deux seulement des jeunes gens de ma promotion sortaient d’institutions religieuses. Leur séjour à l’École ne fut pas enviable. Ils furent mis en quarantaine et eurent à subir des brimades cruelles. L’un se fit tuer en Crimée, presque volontairement, et l’autre donna sa démission peu de temps après sa sortie de l’École. Nous n’aimions pas les cagots, et les convictions religieuses nous semblaient des idées d’un autre âge, très peu respectables. À vrai dire, je me suis toujours douté de ce qui arrive ; et je prévois que l’esprit clérical se développera sans interruption. J’avais même pensé à te faire élever dans un établissement religieux ; mais j’y ai renoncé. C’est vraiment trop malpropre. Toute jeune fille élevée par les bonnes sœurs est une tribade ; tout jeune homme qui sort d’une jésuitière est un bardache. Voilà mon opinion ; et ça me dégoûte. La France est moins délicate que moi ; elle aime ça. La France, terre de liberté et de pensée libre, foyer du progrès, cuve de fermentation révolutionnaire !… La France est une cuve de fermentation, avec le derrière du prêtre en guise de couvercle ; et ça pèse lourd, un derrière de curé ! Enfin, qu’est-ce que tu veux ? Il faut, sinon hurler avec les loups, au moins ouvrir la gueule en même temps qu’eux. Sans approuver ouvertement, il ne faut point désapprouver. Déclarons-nous partagés entre le culte de la liberté de conscience et celui du drapeau. La liberté de conscience, a-t-il conclu en ricanant, en voilà une fameuse affaire pour nous tirer d’embarras, à notre époque de consciences en caoutchouc !



Vous voyez que mon père a des idées à lui sur bien des