Page:Darien - L’Épaulette, Fasquelle, 1905.djvu/164

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à dissimuler sa pensée. Il a répondu à mon père :

— Laissez-moi donc tranquille. Votre grand homme est en baudruche. Je ne lui donne pas trois mois pour se dégonfler à tout jamais, et de piteuse façon.

Mais mon père ne se déconcerte pas ; il continue à se dire gambettiste, patriote et démocrate. L’autre dimanche, chez M. Curmont, qui nous avait invités à déjeuner, il s’est mis, après le café, à défendre avec chaleur les idées de Gambetta sur la colonisation. Il a exalté le projet d’un grand empire colonial, présenté par Gambetta en 1880 après que les Allemands eurent pris pied en Afrique, et qui assigne à la France tout le continent africain au nord du golfe de Guinée.

— Pour qu’une entreprise pareille puisse réussir, dit-il, entreprise libérale et démocratique au premier chef, il faut que toute opposition disparaisse. Il faut que les interpellations soient interdites à la Chambre…

— C’est bien peu démocratique, interrompt M. Curmont, surpris.

— Je veux dire, continue mon père, fort ennuyé, je veux dire ces réunions, ces choses, ces… ces… Enfin, il faut qu’on cloue le bec à la Presse. Voilà !

— Mais, demande M. Curmont, de plus en plus étonné, où démêlez-vous la démocratie, là-dedans ?

— Je ne la démêle pas ! crie mon père, exaspéré. Je l’emmêle — à pied et à cheval !



La Démocratie, cependant, s’affirme. La Démocratie consciente d’elle-même, qui n’a point oublié que des heures mauvaises sonnèrent pour la patrie, et qui se prépare à la revanche prochaine. Les discours, les sociétés de tir, de gymnastique, les orphéons, les bataillons scolaires, témoignent de l’imminence de cette revanche ; la