Page:Darien - L’Épaulette, Fasquelle, 1905.djvu/21

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qu’il ne sait rien ; peut-être qu’il n’a jamais été à la guerre. Je finis par croire que c’est un vieux Riz-pain-sel, et je refuse d’aller le voir davantage. À quoi bon ?… Ah ! il n’y avait encore que le colonel Gabarrot pour me raconter de belles histoires — des histoires comme celle des Russes auxquels les dragons coupaient les mains.



Mon père compte, bien entendu, quelques amis qui n’appartiennent point à l’armée ; mais j’ai peu de goût pour ces civils ; je suis sûr que mon père, lui-même, ne les estime que modérément.

— Les pékins, disait-il l’autre jour à deux officiers de son régiment, les pékins pleurent de temps en temps parce que les militaires les méprisent. Nous ne les mépriserons jamais autant qu’ils nous aiment. Dans nos rapports avec eux, ne nous gênons donc pas.

Les deux officiers ont souri, en signe d’assentiment.

Toute ma vie, je me suis souvenu de la phrase de mon père et du sourire de ses amis. Aujourd’hui, ces deux officiers, en retraite, vivent en province ; et j’ai eu l’idée, lorsque j’ai pris la détermination d’écrire ce livre, de leur demander de vouloir bien faire appel à leurs souvenirs et de retracer l’existence de mes parents, durant les quelques années qui suivirent immédiatement ma naissance. Ils l’ont fait, l’un et l’autre, en style de rapport et, je crois, avec un grand souci de la vérité. Sur mon père, par exemple, le premier officier s’exprime ainsi :

« M. Maubart (Paul-Frédéric-Eugène) naquit à Paris en 1828. Il sortit de Saint-Cyr en 1849. Il prit part, comme sous-lieutenant, à la répression des troubles des premiers jours de décembre 1851. Il fut promu lieutenant en 1852. C’est en cette qualité qu’il fit, au 91e régi-