sent hystériquement au passage des troupes et se livrent aux galonnés, perverties et gauches, avec des raffinements vicieux qui surprennent et des baisers qui font le bruit des sabots qu’on retire de la boue à grand’peine…
C’est cette France-là qui parle de son relèvement… Hé ! Quelle autre France en parlerait ?…
Les journaux en étaient pleins, ces jours-ci, du relèvement. Un événement s’est produit… Oui, la presse en bave encore d’orgueil et en larmoie d’admiration. C’est absolument comme si les armées françaises avaient repris Metz et Strasbourg, franchi le Rhin, envahi l’Allemagne et fait leur entrée à Berlin, traversé les Alpes, capturé Rome et rétabli le pouvoir temporel du pape. Et ce sont seulement les grandes manœuvres d’automne qui viennent de se terminer. Sur un thème banal, réglé d’avance de point en point et ne laissant aucune place à l’initiative, des masses d’hommes avancent l’une contre l’autre, évoluant d’une façon grotesque, et finissent par se trouver en présence. On canonne des pommiers inoffensifs ; on fusille des nuages menaçants ; des colonnes d’infanterie, mitraillées en flanc à cinq cents mètres par une douzaine de batteries, montent sans préparation aucune à l’assaut de positions défendues par des forces trois fois supérieures ; et la cavalerie ennemie charge avec entrain les taupinières que l’infanterie a laissées derrière elle ; défilant, naturellement, devant les bouches de ses propres canons qui tirent à toute volée. Cette petite guerre, qui n’est qu’une ridicule et inutile image de la guerre vraie, lui ressemble par quelques côtés : un certain nombre de soldats y meurt de fatigue, d’insolations ou d’accidents ; les généraux se félicitent réciproquement ; et les contribuables ont à payer les frais, c’est-à-dire plusieurs millions. Par certains autres côtés, elle diffère de la guerre véritable : le vainqueur est toujours français, et l’on ne capitule jamais.