et fait de la charpie pour la prochaine. Il n’a pas d’enfants ; et jusqu’à ces derniers temps, chose inouïe, on ne lui avait jamais connu de maîtresse. Il en a une à présent ; mais cette liaison, qui, assure-t-on, ne date que de deux mois environ, est demeurée très mystérieuse. La dame est invisible ; cloîtrée, séquestrée comme une beauté de harem. Personne n’a vu son visage ; tout le monde ignore son nom. Le bruit court, je ne sais pourquoi, que c’est une femme supérieure, extraordinaire ; on affirme que le général de Porchemart a l’intention de se lancer avant peu dans la politique et l’on assure que l’amie qu’il dérobe à la vue de ses contemporains l’aide à préparer des plans machiavéliques. C’est, dit-on, son Égérie. J’ai parlé de la chose à mon père, pour voir ; et il a éclaté de rire aux premiers mots.
— Une Égérie ! C’est à se tordre. Porchemart-Pompilius ! Vraiment, ne pouvez-vous voir les choses telles qu’elles sont ? Pourquoi vouloir toujours trouver cinq pieds sous un mouton ? Porchemart a une maîtresse qu’il ne montre pas. Bon. Qu’est-ce que c’est que cette maîtresse-là ? C’est une Égérie. Fous que vous êtes ! S’il ne la montre point, c’est qu’il ne peut pas la montrer. Donc, ce n’est point une Égérie. C’est une mineure.
Ma foi, probablement. Après tout, ça m’est égal. L’essentiel, c’est que mon tableau de service ne soit pas trop chargé ; et il ne l’est pas. L’officier d’ordonnance est un heureux mortel. Il sort presque toujours de l’École. (Au fait, bien peu d’officiers sortent du rang ; récemment, sur 230 lieutenants d’infanterie proposés pour le grade de capitaine, 8 seulement n’avaient point passé par Saint-Cyr ; et il est à présumer qu’ils n’iront pas loin). L’officier d’ordonnance — généralement fils, neveu, cousin ou gendre de haut fonctionnaire militaire ou même civil, refusé aux examens d’état-major ou qui n’a pas osé les affronter — trouve une situation paisible auprès d’un