grands yeux, hochant la tête tantôt à gauche, tantôt à droite. Quand j’ai fini, il m’invite à passer dans son cabinet.
— Mon cher cousin, me dit-il après avoir soigneusement fermé la porte, ce que vous me demandez est tellement grave et mon désir de vous répondre à cœur ouvert est si grand, que je pense qu’il est nécessaire de nous mettre à l’abri d’oreilles indiscrètes. Ici, où nous sommes en sûreté, je puis vous dire ce que je ne dirais certainement pas à tout le monde. La France se reprend, mon cher cousin. Elle se reprend ! Oui, quoi qu’on en dise, la France se reprend.
À ce moment, on frappe à la porte ; et Raubvogel, avec un geste d’ennui, va ouvrir. C’est Mme Raubvogel. C’est Estelle qui s’exclame, se précipite vers moi et, presque, me saute au cou. Quelle joie ! Quel plaisir ! Qu’elle est heureuse de me revoir ! Comme je dois être content d’avoir quitté cette vie de garnison ! Il n’y a que Paris au monde. Puisque je suis là, elle ne me quitte pas ; il faut que je reste à déjeuner, d’abord ; et après, je vais l’accompagner au bois… Raubvogel me jette un regard désolé et pousse un soupir de résignation. Allez donc parler sérieusement, avec les femmes !…
Je comprends, bien que ce soit peu flatteur pour mon amour-propre, qu’il n’y a guère à compter sur les indiscrétions du cousin. Si encore Estelle entendait la politique ! Mais elle n’y comprend rien ; absolument rien ; elle me l’a dit elle-même. Pourtant, si Raubvogel ne parle point, pourquoi un autre ne parlerait-il point ? Gédéon Schurke, par exemple ? J’essaye. Et, deux jours après, cet excellent Schurke m’ouvre son cœur, entre la poire et le fromage.
— Je vais vous expliquer la situation, M. Jean. Nous sommes en 1886. Durant les quinze années qui se sont écoulées depuis sa défaite, la France a trouvé moyen de faire deux choses ; en laissant égorger la Commune, elle a détruit