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Page:Darien - L’Épaulette, Fasquelle, 1905.djvu/284

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bité et d’honneur ; il est une preuve vivante de cette grande vérité : qu’on n’est pas béni par les anges avant d’avoir lutté contre eux.

Au point de vue commercial, les bons offices de Delanoix envers le pays sont bien connus et fort nombreux ; ils vont par bande, et même par contrebande. Mais les services exceptionnels qui lui ont valu la croix d’honneur sont d’un caractère plutôt politique. En fait, c’est lui qui a provoqué l’élection de Sadi Carnot à la présidence de la République. Grand ami et admirateur de Jules Ferry — qu’il n’avait renié que pendant deux ans à peine — il a su faire en cette circonstance le sacrifice de ses préférences et de ses sympathies. Il a convaincu la grande majorité des parlementaires républicains de la nécessité d’abandonner leur chef. Il leur a parlé, avec une émotion communicative, du Devoir, de la France, peut-être aussi de leurs intérêts ; il leur a fait comprendre qu’il fallait à tout prix écarter les dangers d’une perturbation. Il les a conjurés d’abandonner leur ami et de voter pour l’être neutre et décoloré dans la nullité duquel il pressentait la meilleure sauvegarde du parlementarisme. Tout en agissant ainsi par pur patriotisme, Delanoix a tenu à donner à l’homme politique qu’il désertait de nouveau un témoignage de son estime et de sa vénération personnelles ; il avait fait modifier la coupe de sa barbe avant de se rendre au Congrès et avait adopté les favoris si longtemps chers à Jules Ferry. On voit que Delanoix ne manque pas de délicatesse, en dépit de ses fermes convictions républicaines.

Les convictions républicaines redeviennent à la mode. Bien des gens qui les reniaient hier les affirment aujourd’hui ; ils ont cessé de voir briller l’étoile de l’homme à la barbe blonde. Pour le commun des mortels, Boulanger n’est pas mort, loin de là ; mais pour les gens perspicaces, il est virtuellement enterré ; par conséquent, il ne vaut