meilleurs termes avec Trisonaye ; mais je ne m’attendais guère au succès de ses démarches. J’avais tort. Elle a tout arrangé au mieux. Hier, j’en ai eu la preuve ; le ministre m’a fait appeler et nous avons causé pendant une grande demi-heure. C’est un homme charmant, absolument charmant ; je crois fermement qu’il accomplira de grandes réformes. Au fond, après les histoires de ces temps derniers, la présence d’un civil au ministère était indispensable. Il faut voir les choses telles qu’elles sont. Bref, il est entendu que je vais être relevé de mes fonctions ici, et qu’on va me donner le commandement d’une brigade quelque part. L’air de la campagne me fera du bien ; je n’aurai pas à essuyer les regards courroucés d’anciens coreligionnaires politiques, et ce ne sera qu’une affaire de huit ou dix mois. Après quoi, je reviendrai à Paris, sans doute avec les trois étoiles. Je ne pouvais pas rêver mieux. Et tout cela, tu le vois, grâce à la baronne de Haulka ; c’est-à-dire, par conséquent, à ma profonde connaissance des femmes. Malgré tout, je lui dois une reconnaissance éternelle. Éternelle !… Qu’est-ce que tu dis de ça, mon vieux lapin ? demande-t-il en me tapant sur le ventre.
J’ai écouté avec émerveillement, et je présente mes félicitations. Mon père fredonne les Pioupious d’Auvergne, et reprend au bout d’un instant :
— C’est une chance ! Si je n’étais pas veuf, on pourrait comprendre, mais vraiment… Ah ! à propos, il faut que je te dise : tu sais, Cornac, le fameux Cornac, l’abruti de Cornac ? Il m’a volé… Il m’a pris deux billets de cent francs qui…
J’interromps mon père ; je lui apprends ce qui s’est passé, je lui dis que je suis seul coupable.
— Ma foi ! s’écrie-t-il, c’est bien embêtant ! J’ai fait arrêter Cornac ; il est en prison, en prévention de conseil de guerre. Que faire ?