temps après, vêtue d’une honnête robe d’intérieur et coiffée en bourgeoise modeste.
Je vous décris là un manège auquel j’eus le plaisir d’assister plusieurs fois, et que la psychologie — c’est si commode et ça coûte si peu ! — m’a permis d’expliquer de la façon suivante. La dame, qui est sans doute mariée et riche, s’ennuie ; son mari, qu’elle n’aime pas, lui mesure les satisfactions auxquelles elle croit avoir droit ; son existence provinciale, routinière et mesquine, lui déplaît ; des rêves vagues d’indépendance qui la hantent depuis longtemps, peut-être depuis toujours, se sont cristallisés tout à coup en des besoins violents et plus qu’à demi conscients d’immoralité. Ces désirs l’ont saisie puissamment, ne la lâchent pas ; son imagination vagabonde autour d’une image toujours la même, de plus en plus fascinante. — Cette femme-là est bonne à faire.
Toute la question est de savoir si c’est pour moi que le four chauffe. La maison blanche, Mme de Rahoul me l’a dit, appartient au principal notaire de la ville. J’apprends que ce notaire s’appelle Me Hardouin. Hardouin, voilà un nom qui réveille en moi des souvenirs, qui est comme un écho de mon enfance ; et l’image se précise aussitôt ; je me revois, avant la guerre, conversant dans le jardin de M. Curmont avec un jeune homme qui est le premier clerc de Me Larbette, le notaire de Preil, et qui s’appelle Hardouin. Si le Hardouin de Malenvers était le Hardouin de Versailles ?…
C’est lui. Il se souvenait parfaitement de moi, de ma famille, et a été enchanté de me revoir. Nous sommes à présent les meilleurs amis du monde et je suis fréquemment invité à la maison blanche. Mme Hardouin est vraiment très belle et très captivante ; je suis à peu près sûr maintenant que mes déductions de psychologue étaient des plus justes ; pourtant, je n’ai point cherché à mettre à profit l’état mental de la notairesse. J’aurais quelque scru-