ne reverrai pas le nommé Foutier. Ce n’est pas sa qualité d’espion qui me répugne, c’est son incapacité comme espion. Un espion peut avoir son intérêt, voire sa grandeur ; il peut faire preuve de talent, de dévouement, même de génie… Et je pense à ce colporteur du plateau de Satory, qui s’appelait Holzung, qui était un officier allemand, qui était l’ami de mon oncle Karl, et qui tomba pour sa patrie, sous les balles d’un peloton d’exécution, au début de la guerre de 1870… Ce Holzung, qui ne se considérait sans doute pas comme un bénédictin, était un Prussien, et le Foutier, qui se considère probablement comme un Français, n’est qu’un ignorant mouchard. Il est digne de figurer, comme inutile utilité, à la suite des premiers rôles de l’actuelle tragi-comédie française, à la suite de ces épauletiers qui ne savent pas l’allemand et dont les épées se recourbent en pinces-monseigneur, à la suite de ces diplomates qui ne savent pas l’anglais et dont le verbiage ne constitue qu’un boniment d’escrocs.
Non, je n’irai pas voir le Foutier. J’aurais à lui dire que les hommes qu’il a pris pour des agents britanniques sont des voleurs, et il les dénoncerait pour avoir vingt francs, — ou la croix d’honneur si les coffres de l’État sont vides. — Je ne tiens pas à causer l’arrestation de ces criminels. D’abord, le voleur, le voleur franc, le cambrioleur, me dégoûte beaucoup moins que le charlatan militaire ou l’histrion politique. Puis, ces brigands m’ont vivement intéressé ; ils ont presque excité ma sympathie ; leur existence accidentée ne doit rien avoir de déplaisant ; il ne faut pas oublier non plus que s’ils portent des instruments de destruction, c’est pour s’en servir. Tout le monde ne pourrait pas en dire autant. L’épée n’est souvent qu’un attribut de parade ; mais la pince n’est pas une blague.
J’entre dans un café. Bien que l’établissement soit des plus vastes, j’ai peine à y trouver une place. Des gens