terre-à-terre ; ce qui est religion pour le peuple est la négation même de la religion pour les gens supérieurs. Et puis, qu’est-ce que c’est qu’un principe ? Un expédient auquel on a laissé le temps de moisir. Pourtant, il ne faut pas médire des principes ; ils nous épargnent une grande perte de temps. À propos, cher Monsieur, j’espère que vous n’avez pas perdu les heures que vous avez passées à Bruxelles ?
Je suis tout interloqué et ne sais que répondre. Mais M. Issacar, à ma surprise plus grande encore, me tire de mon embarras en ajoutant :
— Je veux parler de la petite affaire dont vous étiez chargé ; ces deux individus signalés… Vous savez que, d’une administration à une autre, la jalousie aidant, il n’y a guère de secrets. J’ai donc su… Je présume que vous n’avez pas eu de mal à découvrir la stupidité des informations du sieur Foutier.
— Ç’a été l’affaire de quelques instants, dis-je en me résolvant à parler sans détours. Ces agents anglais ne sont que des voleurs.
— Oui, répond M. Issacar ; des gens qui commettent des actes extra-légaux. On a dit que les lois sont des inventions diaboliques qui permettent aux coquins de s’engraisser de la substance des imbéciles ; voilà une parole que les scélérats en question auraient bien fait de méditer. Ils auraient sans doute commencé leur droit au lieu de faire des fausses clefs ; ce n’est pas plus difficile. Ils aiment tant l’argent et ils sont si pressés d’en avoir qu’ils n’ont sans doute pas pensé à cela. L’argent, entre nous, est un fléau. Pourtant, si on le supprimait, cet argent qui seul donne de l’intelligence à la masse, la grande majorité de l’espèce humaine sombrerait immédiatement dans l’imbécillité sans fond et sans espoir. Pouvez-vous vous faire une idée de pareille catastrophe ? Et pouvez-vous, si vous êtes en veine d’imagination, vous figurer la