large ; quatre rues aboutissent à cette place, sur laquelle s’élèvent la mairie, l’église et le presbytère. La compagnie du 245e, sous les ordres du commandant Sappue, se range devant la mairie ; ma compagnie se déploie sur la droite. De grands cris éclatent au loin : « C’est huit heures, huit heures, huit heures ! C’est huit heures qu’il nous faut !… Vive la grève ! Vive la grève ! » Les fonctionnaires civils, le maire, le procureur de la République, M. Delanoix, se dirigent vers la mairie. M. Issacar adresse quelques mots au commissaire de police qui vient se porter sur notre gauche ; puis, il s’avance rapidement vers le commandant Sappue et lui parle à voix basse, avec des gestes énergiques. Le commandant donne l’ordre de charger les fusils. M. Issacar rejoint les fonctionnaires groupés devant la mairie ; ils pénètrent tous dans l’édifice dont la porte se referme sur eux juste comme s’élève une énorme clameur, très proche.
— Vive la grève ! Vive la grève !
Le commandant Sappue s’écrie :
— Croisez… elle !
Tout d’un coup, la place est envahie. L’Ennemi s’avance vers la mairie, s’avance à grands pas. L’Ennemi… des hommes désarmés, des femmes, des enfants ; des femmes et des enfants surtout. Au premier rang, une jeune fille qui tient un mai en fleurs, un jeune homme qui porte un drapeau tricolore. L’Ennemi s’avance, n’est plus qu’à une vingtaine de mètres de la mairie. Le commandant Bacardier, à cheval derrière nous, crie quelque chose qu’on entend à peine : « Retirez-vous, retirez-vous ou… » Je jette les yeux sur le commissaire de police dont c’est le devoir de s’interposer. Il ne bouge pas.
Soudain, la première ligne du 245e fait double pas en