Page:Darien - L’Épaulette, Fasquelle, 1905.djvu/48

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suis heureux de voir maintenant un des plus distingués officiers de notre glorieuse armée !

M. Raubvogel s’incline légèrement en prononçant ces derniers mots, et mon père, visiblement flatté, lui tend la main.

Pourtant, quelques instants après, comme je me trouve dans la chambre de ma grand’mère, avant le départ du convoi, mon père entre rapidement, s’approche d’elle et lui demande à voix basse :

— Avez-vous connaissance d’un certain Séraphus-Gottlieb Raubvogel, de Mulhouse ?

— Non, dit ma grand’mère, pas du tout.

— Il est en bas, dit mon père ; il est venu pour l’enterrement. Il se dit votre neveu, le fils d’une sœur de votre mari.

— Ah ! oui, dit ma grand’mère, je me rappelle. Mon mari avait une sœur qui quitta brusquement la famille, à Karlsruhe, peu de temps après notre mariage. Elle partit avec un acteur qui, je crois, l’épousa.

— Vous n’avez jamais eu d’autres renseignements sur elle ?

— Jamais. Ludwig n’a jamais pu retrouver ses traces.

— Et vous ne savez pas si cet acteur qui l’épousa se nommait Raubvogel ?

— Non. C’est-à-dire… peut-être… Je ne me souviens pas.

Mon père redescend au rez-de-chaussée et je le suis. Je considère attentivement Raubvogel qui, dans un coin du salon, cause avec Delanoix. C’est un homme de vingt-cinq ans environ, de taille moyenne, aux épaules larges, aux yeux vifs et souriants, au nez recourbé en bec d’oiseau, à la bouche ironique et à la chevelure châtain clair. Cette couleur est aussi celle de la barbe. J’admire cette barbe. Elle n’est pas longue ; elle n’est pas épaisse ; elle n’est même pas belle, si l’on veut. Mais elle est quelque peu