ville. L’enthousiasme est à son comble. La nuit dernière, vers dix heures, des bandes ont passé devant la maison, en insultant ma grand’mère.
— Mort aux espions prussiens ! À bas la vieille Prussienne !
Le 14 septembre, nous recevons une lettre de mon père. Il nous apprend qu’il vient d’être évacué sur l’hôpital de Chartres. Il va mieux.
Les journaux annoncent, presque en même temps, que les Allemands arriveront sûrement devant Versailles dans quelques jours. M. Curmont se frotte les mains.
— Laissez-les seulement s’installer ici, dit-il, et vous verrez combien de temps les troupes de Paris, renforcées par les recrues que mon fils va leur envoyer de Bretagne, mettront à les en faire sortir.
Mais M. Freeman est d’un autre avis. Il dit qu’il serait honteux, absolument honteux, de ne point défendre la ville. Et il assure que c’est en défendant le territoire pied par pied qu’on pourra lasser les Allemands, et les obliger à la retraite. La foule, que fait vibrer un grand enthousiasme patriotique, se range à son avis. On exalte M. Freeman ; on dit que c’est vraiment beau pour un Anglais d’aimer autant la France ; on loue très fort l’énergie britannique. M. Curmont lui-même se voit obligé d’avouer que M. Freeman a raison. Il ne peut pas trouver assez d’éloges pour lui. Il déclare que plus tard, quand Versailles aura repoussé les Prussiens, il faudra se souvenir du dévouement de M. Freeman. Il laisse entendre, à demi voix, qu’il se chargera de lui faire obtenir la croix de la Légion d’honneur.
Pour défendre la ville, il faut des fusils ; et pour avoir des fusils, il faut des fonds. M. Freeman les offre.
On prend son argent.