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jour davantage des peuples étrangers, et excite contre ces peuples des haines imbéciles qui ne peuvent produire que des affronts sanglants ou des guerres plus sanglantes encore. La France tout entière est donc sacrifiée, sans qu’elle fasse entendre le plus léger murmure, aux intérêts d’une clique de sales coquins. La désastreuse influence exercée sur les Français, au point de vue moral ou intellectuel, par le régime économique qui pèse sur eux, surtout depuis 1892, ne saurait être niée. Il suffirait certainement d’abolir une partie des droits prohibitifs pour que le caractère de la nation française, qui semble s’abaisser tous les jours, prît une direction contraire. La suppression des taxes, surtout lorsqu’elles frappent des objets de première nécessité, produit des effets aussi excellents que ceux qu’engendre leur imposition sont détestables. On l’a vu jadis en Angleterre, lorsqu’on supprima l’impôt sur le sel. On l’a vu en France… Non, on ne l’a point vu en France. Quand on abolit un impôt, en France, c’est afin d’en établir deux.

Les étrangers qui viendront à Paris, pour l’Exposition, ou qui visiteront les grandes villes françaises, y verront très peu la misère. Elle y existe, pourtant, mais se cache, ainsi que honteuse d’elle-même ; pas provocante, sournoise ; fardée, truquée, comme toute autre chose en France ; hideuse, se mentant à elle-même. Il y a en français une expression terrible, d’une couardise visqueuse et d’une horreur sans bornes, qui n’existe, je crois, dans aucune autre langue : « Tromper sa faim. » Je pense qu’un peuple doit avoir abdiqué toute dignité pour user d’une locution pareille. Je disais tout à l’heure que la France est un pays où l’on ne devrait pas avoir faim. Je ne crois guère exagérer en disant maintenant que presque tout le monde a faim en France. J’ai vu la misère dans bien des pays. Elle ne m’a jamais, nulle part, semblé plus atroce qu’en France. Plus vile, surtout, plus hypocrite, et plus générale malgré tous les efforts de la vanité. La façon dont arrivent à vivre les trois quarts des habitants des villes françaises est, pour eux-mêmes, un mys-