Page:Darien - La Belle France.djvu/108

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profond sens comique du peuple, de sa perception vive, de sa finesse qui transparaît même sous ses fanfaronnades, de sa clairvoyante ironie saupoudrée de blague, de la force amère et tranchante de sa moquerie. Je parle de cet enthousiasme naïf et puissant ; de cette exaltation un peu expansive, toute en admiration, qui sait encore en rester de là ; de cette exubérance de l’âme qui pousse l’être à partager ses plaisirs, l’y oblige ; de cet intime frémissement causé par l’absorption de la vie, et qui crée des ondes fraternelles. C’est cela, la joie qui prouve la force de l’esprit ; qui indique la misérable faiblesse de celui des classes possédantes, incapable de joie, capable seulement de gaîté morne et infecte. La Joie est une poussée de forces vives, franches et jeunes, que peut arrêter bientôt le mur d’airain de la Bastille sociale, mais dont la source ne tarit point, car elle se trouve dans la conscience de la Vie. La Gaîté, au contraire, trouve sa source dans le sentiment de l’agonie morale, dans la conscience de l’Ennui. La Joie est une avec l’être. La Gaîté est extérieure à l’être. La Joie est un résultat. La Gaîté n’est, souvent, qu’une marchandise. La gaîté française, telle que la Bourgeoisie tricolore la présente au monde, est une marchandise frelatée, sophistiquée, avariée, empoisonnée, pourrie. Le monde devrait, par simple propreté intellectuelle, la rejeter avec dégoût. Le peuple français, s’il avait tant soit peu le respect de lui-même, mettrait immédiatement un terme à l’expression publique et quotidienne de cette soi-disant gaîté. Il refuserait de se laisser imposer les admirations bourgeoises, les calembours bourgeois, les vaudevilles bourgeois, toutes les immondices bourgeoises. Il prendrait possession de la direction de l’intelligence française, dont la Bourgeoisie, qui l’a usurpée, est indigne à tous les points de vue ; il ne permettrait pas à cette crapuleuse minorité de déshonorer, comme elle le fait de parti-pris, la réputation de l’esprit français et de continuer à recouvrir l’or des gloires réelles avec le fumier des réputations postiches. Il démontrerait, par des actes, ce que prouve déjà sa joie intellectuelle,