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mériques, d’un retour de la fortune ; la croyance aux représailles, la croyance raisonnée, déterminée, dont la froide énergie donne la foi dans la victoire, n’exista jamais. Toutes les déclamations patriotiques, toutes les affirmations revanchardes, ne furent que des mots, des fleurs d’une rhétorique douteuse jetées sur le drap noir d’un catafalque. Paroles vaines, discours vides, auxquels ne croyaient pas plus ceux qui les prononçaient, que ceux qui les écoutaient. Non seulement les souvenirs de l’Année terrible ne s’étaient pas éteints, mais le mépris pour les hommes qui avaient été les artisans du désastre subsistait tout entier, la défiance envers ceux d’entre eux qui présidaient au relèvement du pays veillait encore au cœur de tous. Il n’est pas vrai que la France, une seule fois, ait sincèrement honoré ceux que le hasard fit tomber pour elle en 70 ; il n’est pas vrai qu’elle ait eu confiance, fût-ce un seul jour, dans les chefs qui se donnèrent la mission de préparer la lutte réparatrice. La conviction intime de tous, même des soi-disant emballés qui croient très fort, a toujours été qu’il n’y avait rien à faire, que le Rhin resterait un fleuve allemand, que toutes les invectives contre les événements accomplis étaient creuses, et tous les espoirs de revanche, sans valeur.

Je ne crains pas de faire cette affirmation. Je sais qu’elle sera niée, soit avec colère, soit avec mépris. Colère factice, mépris de commande, dont je ne m’émeus point. Les faits parlent ; ils sont là, spectres du passé, d’avant-hier et d’hier, et c’est leur silence qu’on entend, éloquent et terrible, au-dessus des clameurs folles des bouches qui hurlent, qui croient hurler, et qui sont muettes. Non, si la France avait pu avoir confiance en elle-même, en son destin, si elle avait pu croire et espérer, si elle ne s’était pas sentie vaincue irrémédiablement, elle n’aurait point agi comme elle l’a fait depuis que ses frontières furent reculées jusqu’aux Vosges. Elle eût été la France, au moins une fois, et la République française eût été une République.

On vient d’inaugurer, à Paris, le Triomphe de la -