disent long, sans en avoir l’air, et qui promettent. — Cependant, on s’extasie sur la sagesse de la foule. Pas une manifestation anti-allemande ! Pas une ! Quel calme ! Quel sang-froid ! Et pourtant nous ne sommes plus seuls ; nous avons un allié, le souverain du plus grand empire du monde ; c’est fini, l’isolement de la France, et la revanche est pour demain ; que voulez-vous que devienne l’Allemagne, entre la France et la Russie ? Et si l’Angleterre a le sens commun, elle se joindra à nous sans tarder.
Eh ! bien, il n’est pas beau, cet enthousiasme qui ne fait pas oublier la prudence. Il montre combien on a eu peur, jusque-là, combien on désire ne plus avoir peur et combien, malgré toutes les manifestations tumultueuses, l’angoissante incertitude persiste. Je sais bien que dans le toast qu’il a porté, après la revue de Châlons, le Czar, sur les conseils du grand Hanotaux, s’est servi du mot amitié ; je sais bien que, s’il avait employé un terme plus fort, alliance par exemple, les Français, comme un seul homme, eussent crié : À Berlin ! Je sais aussi que : À Berlin ! est un cri qui a de l’écho, et qui porte chance. Mais, malgré tout, je ne suis pas convaincu. L’enthousiasme manifesté en octobre 96 m’a toujours semblé peu naturel, inquiet, trop nerveux, l’entrain pas vrai, l’exaltation purement artificielle ; et la dépêche envoyée à Châlons par le Kaiser et dans laquelle il s’excusait, en anglais, de ne pas faire illuminer Metz afin de ne point fatiguer son auguste cousin, semble démontrer qu’on n’a pas non plus, par delà les Vosges, beaucoup d’illusions sur les prétentions belliqueuses des Français. Elle m’a fait songer, cette dépêche, à la grande fresque du Palais du Parlement, à Londres, qui représente la rencontre de Wellington et de Blücher, le soir de Waterloo ; non loin d’un groupe de Français prisonniers, à côté d’une auberge en ruines, éventrée par les bombes, l’Anglais et l’Allemand, à cheval, se donnent la main ; et, au-dessus de leurs têtes, accrochée encore par un morceau de fer tordu à un pan de muraille, se balance l’enseigne de l’auberge : À la Belle Alliance. Hier. Demain…