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Car ces groupements ne sont des nations que de nom ; potentiellement, et pas davantage. Ils ne peuvent devenir effectivement des nations que le jour où chacune des individualités qui les composent est douée d’une complète liberté d’action, où cette liberté complète de l’individu est assise sur sa seule base possible : la liberté de la terre. Jusque-là, et c’est ce qui existe aujourd’hui, les nations n’ont qu’une vie idéale, fantomatique ; ou plutôt, embryonnaire. Je pourrais dire que l’internationalisme est partout, l’internationalisme très ancien des possesseurs du sol, des riches, et que le patriotisme idéologique qu’on prêche aux masses, d’un côté, ne peut avoir d’autre effet que d’étayer cet internationalisme de la fraude et du vol ; et que l’internationalisme idéologique qu’on leur prêche aussi, d’un autre côté, ne peut avoir qu’un résultat identique. Ce sont là deux moqueries. Il n’y a qu’une chose qui ne soit pas une moquerie, pour les déshérités, qui puisse les mener à la possession effective d’une patrie et, comme conséquence, à l’internationalisme réel : c’est la conquête de la terre.

Le conflit entre les partisans de la propriété individuelle du sol et ses adversaires — réalité insoupçonnée ou inavouée, mais unique, derrière tout le décevant appareil de l’histoire moderne et contemporaine — s’est manifesté sous bien des aspects différents, suivant les conditions dans lesquelles il se produisait. Il a eu pour effet, toujours, d’égarer ou d’étouffer les revendications des Pauvres et de créer un milieu extrêmement défavorable à l’individualité ; l’influence de ce milieu déprimant sur un peuple a été d’autant plus forte que l’histoire de ce peuple, au lieu d’être son histoire matérielle, a été l’histoire des rêves qui lui procurèrent les haschishs de la tyrannie. C’est ainsi que l’action du milieu religioso-propriétaire est toute-puissante sur le Français ; et que le Français, stupéfié par les fumées des légendes militaires, ne peut réagir contre ce milieu, dont il se refuse même à admettre l’omnipotence. L’Anglais aussi sent peser sur lui l’influence du milieu dans lequel il vit ; mais il peut s’y soustraire, réa-