Page:Darien - La Belle France.djvu/73

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les meneurs du parti, ne croyait au succès ; les plus zélés s’efforçaient d’espérer qu’il se produirait tout de même, miraculeusement. Et bien peu de gens furent surpris de la grotesque cacade qui termina l’aventure.

Alors, pourquoi ces partis qui ne doivent vivre qu’un jour, dont l’existence est artificielle et dans l’avenir desquels personne ne croit, recrutent-ils tant d’adhérents ? Parce que, étant nouveaux, ils sont à la mode ; parce qu’ils donnent à leurs fidèles un petit air frondeur qui ne déplaît pas, leur permettent de porter le chapeau sur l’oreille ou sur les yeux, d’affecter des allures provocantes ou mystérieuses ; leur procurent l’occasion de dissimuler derrière des gesticulations stériles l’inertie morale dont, au fond, ils ont honte. Aussi, parce que l’existence d’un nouveau parti est une distraction, sans conséquence, mais qui combat l’énorme ennui qui dévore les âmes infécondes. Souvent, encore, le Français devient partisan de Monsieur Un Tel ou du général Machin simplement parce qu’il lit un journal qui recommande Un Tel, ou prône Machin ; journal qui l’assomme, qu’il déteste, mais auquel il est habitué. Ou bien, même, parce qu’un ami, qui désire se moquer de lui dans quelque temps, le prie instamment de donner son concours à Un Tel ; parce que sa femme, qui trouve que Machin a une belle barbe et qui veut voir « ce qui arrivera », lui demande de s’enrôler dans les troupes de Machin ; — en somme, pour qu’on le laisse tranquille, pour qu’on lui fiche la paix. — Il fait de l’agitation, ou prétend en faire, par amour de la quiétude, par pur besoin de somnolence. Oui, plus encore que par inconscience ou par cabotinage.

Il ne faudrait point se figurer, en effet, qu’il n’y a pas une bonne dose de parti-pris, voire même de machiavélisme, dans la haine que la France professe pour les Individus et dans l’amour qu’elle témoigne aux Médiocres ; elle sait parfaitement qu’elle n’a aucune transformation gênante, si salutaire qu’elle pût être, à redouter des Médiocres ; elle ne veut être dérangée à aucun prix ; par conséquent, elle préfère la situation lamentable que lui font