Page:Darien - Le Voleur, Stock, 1898.djvu/101

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
84
LE VOLEUR

— C’est une compensation, en effet, accorde Issacar ; mais elle est peut-être un peu narquoise. Et il se pourrait bien qu’un jour une révolution sociale…

Coup de pied d’Issacar. Silence. Second coup de pied d’Issacar. Je parle.

— Certainement, une révolution sociale qui… que…

— Je devine ce que vous voulez me dire, assure l’honnête industriel. Une révolution qui prendrait d’assaut les Banques et dilapiderait les épargnes des gens laborieux et économes, qui s’approprierait les capitaux des honnêtes gens. Cela n’est guère probable en Belgique ; nous avons la garde civique, ici, Monsieur, pour une fois. Mais enfin, c’est possible. Eh ! bien, il n’y a qu’une chose à faire : C’est de ne pas confier son argent aux Banques et de le garder chez soi. C’est ce que je fais, savez-vous.

Et l’honnête industriel me regarde triomphalement dans les yeux, tandis que le jeune homme blond, après avoir soigneusement plié son journal, se met à examiner les points noirs dans le marbre blanc de la table. Quel imbécile ! Pourquoi ne s’en va-t-il pas ?

— Oui, continue l’industriel, je garde tout mon argent chez moi et, en cas de besoin, je saurais le défendre. Mon coffre-fort se trouve dans mon cabinet particulier, au troisième étage de ma maison, et mon appartement est au premier ; j’ai en ce moment pour plus de cinq cent mille francs de bonnes valeurs, sans compter les espèces ; pour aller les prendre, il faudrait passer sur mon cadavre. Quant aux voleurs, je m’en moque. Ma porte est solide et je ne me couche jamais sans en avoir poussé moi-même les trois gros verrous.

— Un avertisseur électrique serait peut-être prudent, suggère Issacar.

— Je ne dis pas. Mais je puis m’en passer ; j’ai l’oreille fine et je ne dors que d’un œil, en gendarme.

— Excellente habitude, dit Issacar ; nous n’aurons pas de mal à vous réveiller, un de ces matins, pour vous demander à déjeuner, M. Randal et moi.