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LE VOLEUR

ment, mais le plus consciemment… Oui, renvoyez-les à leur propriétaire. Ce ne sera pas la première fois que les larrons auront rendu service aux honnêtes gens. On a dit que la propriété, c’est le vol ; quelle confusion ! La propriété n’est pas le vol ; c’est bien pis ; c’est l’immobilisation des forces. Le peu d’élasticité dont elle jouit, elle le doit aux fripons. Le voleur a articulé la propriété, et l’honnête homme est son bâtard.

— Avez-vous réfléchi en parlant ? demande Roger. Vous me semblez bien autoritaire, à votre tour.

— Que voulez-vous ? Les hommes d’argent le sont tous, aujourd’hui. Les agioteurs et courtiers-marrons s’appellent les Napoléon de la finance ; et un coulissier anglais se fait de quotidiennes réclames illustrées qui le représentent vêtu de la redingote grise et coiffé du petit chapeau… Cependant, si vous vouliez être raisonnables…

— Nous ne demandons pas mieux.

— Nous allons voir. Eh ! bien, je consens à garder les valeurs industrielles, quoiqu’elles ne puissent pas me servir à grand’chose. Et, pour le tout, je vous offre… Attention ! je vais citer un chiffre, et il faudra me répondre oui ou non. Vous me connaissez, monsieur Roger-la-Honte, bien que j’aie le plaisir de voir monsieur votre ami pour la première fois ; vous savez que je ne reviens jamais sur un chiffre donné définitivement… Pour le tout, je vous offre trois mille livres sterling.

— Qu’en penses-tu ? me demande Roger.

— Fais comme tu voudras.

— C’est bon, dit Roger ; nous acceptons. Mais nous nous vengerons. Prenez garde à votre caisse.

— La voilà, ma caisse, dit Paternoster en nous montrant un sac noir, la bag anglaise, longue et peu profonde, qui se balance sans trêve aux mains des trafiquants de la cité ; elle ne me quitte pas ; je l’emporte et je la remporte avec moi ; vous serez malins si vous venez la prendre… Après tout, vous auriez tort