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LE VOLEUR

part, une indication dont on n’a pas su tirer parti. On devait profiter de cette excellente disposition des masses, qui continue à se manifester, pour faire quelque chose en leur faveur.

— Oui, dit le Monsieur triste ; on devrait bien faire quelque chose ; il y a tant de misère !

— On exagère beaucoup, répond le Monsieur jovial. La plus grande partie des pauvres ne doit son indigence qu’à elle-même. Si ses gens-là vivaient frugalement ; se nourrissaient de légumes et de pain bis ; s’abreuvaient d’eau ; suivaient, en un mot, les règles d’une saine tempérance, leur misère n’existerait pas ou serait, du moins, fort supportable. Mais ils veulent vivre en richards, manger de la viande, boire du vin, et même de l’alcool. L’alcool, Monsieur ! Ils en boivent tant que les distillateurs sont obligés de le sophistiquer outrageusement pour suffire à la consommation, et que les classes dirigeantes éprouvent la plus grande difficulté à s’en procurer de pur, même à des prix très élevés… Malgré tout, je suis d’avis qu’il faudrait faire quelque chose pour le peuple. Ce qui manque au Parlement français, Monsieur, ce n’est pas la bonne volonté ; ce sont les hommes spéciaux. Savez-vous qu’il n’y a pas à la Chambre un seul philanthrope, un seul vrai philanthrope ? N’est-ce point effrayant ?

— Si, certainement, répond le Monsieur triste d’une voix lugubre.

— Ce qui fait défaut à la Chambre, Monsieur, c’est un philanthrope qui indiquerait le moyen de donner à chacun…

— Du pain ? demande le Monsieur triste. Ah ! ce serait si beau !

— Non, Monsieur ; pas du pain. L’homme ne vit pas seulement de pain ; on l’oublie trop… Un philanthrope qui indiquerait le moyen de donner à chacun le salaire dû à ses mérites et qui établirait ainsi, d’un bout à l’autre de l’échelle sociale, l’harmonie la plus fraternelle. Il faudrait commencer par diviser les ci-