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LE VOLEUR

Un soir, j’ai rencontré un socialiste.

C’est un ouvrier laborieux, sobre, calme, qui se donne beaucoup de mal pour subvenir aux besoins de sa famille et élever ses enfants. Il serait fort heureux que la vie fût moins pénible pour tous, surtout pour ceux qui travaillent aussi durement que lui, et que la misère cessât d’exister. Je crois qu’il ferait tout pour cela, ce brave homme ; mais je pense aussi qu’il n’a qu’une confiance médiocre dans les procédés recommandés par les pontifes de la révolution légale.

— En conscience, lui ai-je demandé, à qui croyez-vous que puisse être utile la propagande socialiste ? Profite-t-elle aux malheureux ?

— Non, sûrement. Car, depuis qu’il est de mode d’exposer les théories socialistes, je ne vois pas que la condition des déshérités se soit améliorée ; elle a empiré, plutôt.

— Eh ! bien, pour prendre un instant au sérieux les arguments de vos frères-ennemis les anarchistes, croyez-vous que cette propagande profite au gouvernement ?

— Non, sûrement. Le gouvernement, si mauvais qu’il soit, se déciderait sans doute à faire quelques concessions aux misérables, par simple politique, s’il n’était pas harassé par les colporteurs des doctrines collectivistes ; et il serait plus solide encore qu’il ne l’est.

— À qui profite-t-elle donc, alors, cette propagande ?

Il a réfléchi un instant et m’a répondu.

— Au mouchard.