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LE VOLEUR

vous avez assez fréquenté les honnêtes gens pour vous douter de ce que j’aurais à vous dire. Soyez convaincue, seulement, que la morale n’est qu’un mot, partout ; et que le civilisé, hormis sa lâcheté, n’a rien qui le distingue du sauvage. Je suis un voleur. Mme de Bois-Créault avait oublié les voleurs quand elle vous a dit que vous ne trouveriez personne prêt à s’intéresser à vous. Pour moi, je me mets entièrement à votre disposition, et cela sans arrière-pensée d’aucune sorte, d’homme à femme… Voyons, répondez-moi. Vous n’avez pas d’argent ?

— Pas un sou, pas une robe. Je n’avais rien emporté en quittant l’hôtel de Bois-Créault. Mme Ida m’a donné un peu de linge lorsque je l’ai quittée, et c’est tout ce que je possède au monde.

— Non, vous possédez davantage. Votre père est riche. Malheureusement, sa fortune est en Amérique et vous ne pouvez, au moins quant à présent, en distraire un centime. Mais, d’une opération que nous avons faite récemment ensemble, il nous est revenu mille livres sterling, qui sont déposées à Londres à ma disposition, et dont la moitié lui appartient. Vous avez donc, dès maintenant, douze mille cinq cents francs. Je vous remettrai cette somme le plus tôt possible ; elle ne vous suffira pas, certainement, quoi que vous vouliez entreprendre, mais, je vous l’ai dit, vous pouvez compter sur moi. En attendant, faites-moi le plaisir d’accepter ceci.

Et je lui tends trois billets de mille francs.

— Merci, dit-elle en souriant. Et, dites-moi, êtes-vous riche, vous ?

— Moi ? Non. Ai-je cinq cent mille francs, seulement ? Je ne crois pas.

— Avec les cinq cent mille qui sont dans la valise de Barzot, cela fera un million. Pourquoi n’avez-vous pas ouvert cette valise ?

— Je ne sais pas. Je n’ai pas eu le temps. Mais si vous êtes curieuse de voir ce qu’elle contient…

— Oui, très curieuse… Et avez-vous exploré les poches de Barzot, par la même occasion ?