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LE VOLEUR

occupez, Monsieur, et qui vous laisse ignorer bien peu des opérations exécutées au nom de la Justice, vous a certainement permis d’apprendre comment M. Canonnier fut ravi, hier soir, à l’affection de son enfant. Je fus témoin de cet événement pénible. Mlle  Hélène Canonnier, restée seule, avec moi, m’avoua qu’elle redoutait beaucoup les entremises de certains individus en la loyauté desquels elle n’avait aucune confiance. Elle me fit part de son désir de mettre en lieu sûr, non seulement sa personne, mais encore une certaine quantité de lettres fort intéressantes…

— Que vous m’avez volées ! hurle Barzot. Ah ! misérable !

Je hausse les épaules.

— Réellement, Monsieur ? Misérable ?… Dites-moi donc, s’il vous plaît, quel est le plus misérable, de l’homme qui emploie le chloroforme pour détrousser son prochain ou de celui qui s’en sert pour violer une jeune fille ?

Barzot reste muet. Il vient s’asseoir sur une chaise devant une table, et prend son front dans ses mains.

— Combien exigez-vous de ces lettres ? demande-t-il. Combien ? Quelle somme ?

— Je vous ai dit que je me présentais à vous au nom de Mlle  Canonnier, et pas au mien. Ce n’est pas moi qui possède ces lettres ; c’est elle. Elle n’a pas l’intention de vous les vendre.

Barzot lève la tête et me regarde avec étonnement. J’ajoute :

— Elle n’a pas l’intention de vous les vendre pour de l’argent.

— Ah ! dit-il. Ah !…

Et il attend, visiblement inquiet — car sa belle impassibilité du début l’a complètement abandonné — que je veuille bien lui apprendre ce qu’Hélène réclame de lui.

— Mlle  Canonnier, dis-je, n’a point de position sociale ; elle désire s’en faire une. Elle veut se marier.

— Elle veut se marier ? demande Barzot dont les