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LE VOLEUR

viaduc ; mais, comme il supporte une conduite d’eau, c’est par le fait un aqueduc.

— Voilà ce que je voulais dire, affirme Courbassol. Eh ! bien, Monsieur, j’ai pensé qu’il ne vous déplairait peut-être pas de consacrer au bien public votre intelligence et votre énergie. Plusieurs sièges sont actuellement vacants à la Chambre ; et si vous vous décidiez à poser votre candidature dans tel ou tel arrondissement, candidature vraiment démocratique, c’est-à-dire progressiste autant que modérée, l’appui du gouvernement ne vous ferait pas défaut. Vous réfléchirez, si vous voulez bien ; et vous vous convaincrez que votre place est parmi nous.

Il y a beaucoup de vrai là-dedans. Pourtant, je déclare que je ne me sens pas mûr pour la vie politique. Quelque chose me manque encore. Je ne saurais dire quoi.

— Vous vous réservez, dit Courbassol en souriant. Soit. Nous vous forcerons la main. Je m’arrangerai de façon à ce que vous puissiez, pour le 1er janvier, placer quelque chose à votre boutonnière.

Je me récrie ; mais le ministre me ferme la bouche.

— J’y tiens, dit-il ; après les douloureux incidents de ces temps derniers, le ruban rouge a besoin d’être réhabilité. Mais, au fait : peut-être auriez-vous préféré les palmes académiques ? L’un n’empêche pas l’autre. Un mot de moi à mon collègue de l’Instruction Publique…

Non, non ; Mazas, si l’on y tient, mais pas ça. Le ministre, heureusement, n’insiste pas. Il me fait promettre de ne point oublier ses réceptions. Mme Courbassol, assure-t-il, sera charmée de faire ma connaissance…

Je ne puis m’empêcher de penser, en quittant le ministère, que je rencontrais tous les jours, parmi les criminels, des hommes dont l’intelligence, le savoir et la pénétration auraient fait honte à ces législateurs, à ces prébendés du suffrage universel. Et quant à la probité, à la dignité personnelle… Cependant, ce sont