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Page:Darien - Le Voleur, Stock, 1898.djvu/58

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LE VOLEUR

Il s’est levé pour lancer cette phrase ; et, les dents serrées, les lèvres encore frémissantes, il se tient debout devant moi. Son masque jaune a pâli, s’est crispé d’une colère blême. Il veut autre chose que ma taciturnité et mon flegme ; il ne sait point ce qu’il y a derrière l’apparence de mon calme, et il veut provoquer un éclat. Mon silence, c’est l’inconnu ; et sa nature nerveuse ne peut pas supporter l’anxiété. Il veut savoir ce que je pense de lui pour le passé — et pour l’avenir. — Il veut la bataille.

Il ne l’aura pas.

— Mon oncle, dis-je en prenant une plume, j’accepte ce règlement.

Mais il me saisit la main.

— Attends ! Rappelle-toi qu’en acceptant aujourd’hui tu t’enlèves tout droit à une réclamation ultérieure. Réfléchis ! Je ne t’oblige à rien. Tu as l’air de me faire une grâce en me disant que tu acceptes ; et je ne veux pas qu’on me fasse grâce, moi !

— Mon oncle, ne faites aucune attention à mon air ; il pourrait vous tromper.

Et je me penche sur une feuille de papier sur laquelle je trace quelques lignes que je signe. Mon oncle s’est rassis pendant que j’écris ; et, quand je relève la tête, je rencontre sa figure sarcastique tendue attentivement vers moi, les yeux mi-clos cherchant à percer mon front et à scruter ma pensée.


— J’ignore ce que tu as l’intention d’entreprendre, me dit mon oncle lorsqu’il m’a remis les titres qui m’appartiennent. N’importe ; je te souhaite le plus grand succès. Le meilleur moyen de réussir aujourd’hui est encore de s’attacher à quelque chose ou à quelqu’un. L’indépendance coûte cher. Essayes-en tout de même, si le cœur t’en dit. Méfie-toi des entraînements ; ils sont dangereux. Pour nous aider à résister aux tentations de toute nature, il n’y a rien de tel que le Respect. J’en ai fait l’expérience. Le respect pour toutes les choses établies, toutes les