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Page:Darmesteter - La chute du Christ, 1879.djvu/41

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verdâtres s’allongea jusqu’aux extrêmes confins du vide, et je vis des hauteurs lointaines un spectre blanc descendre.

Il venait, il venait lentement, mais sans arrêt, sans retour, poussé par derrière d’une main invisible ; une auréole de rayons noirs au front, il venait, spectre encore indistinct au lointain.

L’abîme était silencieux : mais j’entendais cent mille cœurs de dieux battre à se rompre, et flamboyaient comme des flammes de forge les rayons de leurs glauques prunelles.

Il s’approche !… oh ! ce front incliné, ces traits maigres et décolorés, ce sang qui coule de cette main trouée… c’est le Christ, c’est le Fils de l’Homme, le Fils de la Vierge !

L’enfer le reconnaît lui aussi, et ses mille légions bondissent au-devant de l’hôte qui arrive ; elles lancent en avant leurs cols de reptiles, de chacals, de taureaux, et les torrents de flammes de leurs regards.

Et la huée colossale jaillit des gueules de l’abîme :

« Te voilà donc enfin ici, ô Galiléen ! Te voilà donc blessé comme nous ! Te voilà donc semblable à nous !