se laissa fléchir et dit qu’il donnerait le chien si mon oncle donnait les livres. Mon oncle était un sauvage et un ignorant qui ne savait rien de rien : il donna tous les livres de grand cœur et emmena le chien en riant, et se moquant du naïf Molla qui donnait un si beau chien pour de vieux livres.
« De retour au village, je dis à mon oncle : « Tu as pris la terre de mon père, il faut me la rendre. » Il me répondit : « Prends-la, si tu peux. » J’allai me plaindre au Serkar[1] : mais le Serkar me répondit qu’il avait toujours vu mon oncle sur cette terre et que par suite elle lui appartenait. À quoi me servait de savoir le persan et l’arabe, de lire dans le texte le Coran illustre, de connaître tous les hadis du prophète (béni soit-il !) : il fallait mourir de faim, ma mère et moi. Sur ces entrefaites, j’appris que l’on demandait des Pathans[2] pour le régiment du capitaine Cook à Abbottabad : deux jeunes gens du village partaient pour s’engager : je leur dis : je vais avec vous. Ils se moquèrent de moi et tout le village disait en riant : Voyez-vous le petit Talibi ilm qui veut se faire soldat ? Arrivés à Abottabad, mes deux compagnons furent tout de suite accep-