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LAPINS DOMESTIQUES.

apparence, modifié la longueur des membres, comparée à celle du corps.


J’ai, comme termes de comparaison, préparé deux squelettes de lapins sauvages de Kent, un des îles Shetland et un d’Antrim, en Irlande. Les os de ces quatre animaux provenant de localités très-éloignées les unes des autres, se ressemblant beaucoup, et ne m’ayant pas présenté de différences sensiblement appréciables, on peut en conclure à l’uniformité générale des caractères des os du lapin sauvage.

Crânes. — J’ai examiné avec attention les crânes de dix lapins de fantaisie à oreilles pendantes, et ceux de cinq lapins domestiques ordinaires, qui ne différaient des premiers que par les moindres dimensions des oreilles et du corps, tous deux étant cependant plus développés que chez le lapin sauvage. Commençons par les dix lapins à oreilles pendantes : tous ont le crâne remarquablement long par rapport à sa largeur. Le crâne d’un lapin sauvage mesurait en longueur 3,15 de pouce, celui d’un des grands lapins de fantaisie en mesurait 4,30, la largeur de la boîte cérébrale restant presque la même chez les deux. Même en prenant comme terme de comparaison la partie la plus large de l’arcade zygomatique, les crânes des lapins à oreilles pendantes étaient encore de trois quarts de pouce trop longs à proportion de leur largeur. La hauteur de la tête a augmenté dans le même rapport que la longueur, et la largeur seule ne s’est pas accrue. Les os occipitaux et pariétaux renfermant le cerveau sont moins voûtés, dans le sens longitudinal et transversal, que dans le lapin sauvage, ce qui change en quelque mesure la forme du crâne. La surface est plus rude, moins proprement sculptée, et les sutures sont plus saillantes.

Bien que les crânes des grands lapins à oreilles pendantes soient, en comparaison de ceux du lapin sauvage, très-allongés par rapport à leur largeur, ils sont loin de l’être relativement à la grandeur du corps. Les lapins à oreilles pendantes que j’ai examinés pesaient, quoique non engraissés, plus du double des individus sauvages ; mais les crânes n’étaient pas, tant s’en faut, deux fois aussi longs. Si nous prenons même la longueur du corps, du nez à l’anus, comme terme plus juste de comparaison, le crâne est en moyenne d’un tiers de pouce plus court qu’il ne devrait l’être. Dans le petit lapin de Porto-Santo, d’autre part, la tête comparée au corps se trouve d’un quart de pouce trop longue.

Cet allongement du crâne relativement à sa largeur est un caractère général, non-seulement des lapins à oreilles pendantes, mais de toutes les races artificielles, comme cela se voit bien sur le crâne de l’angora. D’abord très-étonné de ce fait, je ne pouvais m’expliquer pourquoi la domestication entraînait ce résultat uniforme ; mais je crois qu’il doit tenir à ce que les races artificielles ayant été, pendant un grand nombre de générations, captives et étroitement enfermées, n’ont eu que peu d’occasions d’exercer leurs sens, leur intelligence, ou leurs muscles volontaires, et que, par conséquent, comme nous le verrons tout à l’heure avec détails, leur cerveau ne s’est pas développé dans la même proportion que leur corps.