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INTRODUCTION.

supposons maintenant qu’une espèce ait produit deux ou plusieurs variétés, qui à leur tour, avec le temps, en auront produit d’autres, le principe de perfectionnement dérivant surtout de la diversification des structures, aura généralement pour résultat la conservation des variétés les plus divergentes. Les différences minimes caractérisant les variétés, peuvent ainsi, par accroissement, atteindre au degré d’importance de caractères spécifiques, et les termes extrêmes de la série des variations devenir, par la disparition des formes intermédiaires, des objets distinctement définis, des espèces. Nous verrons, aussi comment les êtres organisés peuvent se classer, d’après la méthode naturelle, en groupes distincts, — les espèces dans les genres, et les genres dans les familles.

Tous les habitants d’un pays tendant toujours, vu la progression rapide de la reproduction, à s’accroître numériquement ; — chaque forme étant, dans la lutte pour l’existence, en rapports avec beaucoup d’autres ; car supprimez-en une, et sa place sera immédiatement prise ; — toute partie de l’organisme pouvant occasionnellement varier quelque peu, et la sélection n’agissant exclusivement que pour la conservation des variations avantageuses à l’individu, dans les conditions très-complexes au milieu desquelles il se trouve, on ne peut assigner de limites au nombre, à la singularité et à la perfection des combinaisons ou coadaptations qui peuvent être ainsi produites. Un animal ou une plante peuvent donc se trouver graduellement, par leur structure ou leurs habitudes, liés de la manière la plus compliquée à d’autres animaux ou plantes, ainsi qu’aux conditions physiques de leur demeure. L’habitude, l’usage ou le non-usage faciliteront dans certains cas des variations qui seront réglées par l’action directe des conditions physiques extérieures, et par la corrélation de croissance.

En vertu des principes que nous venons d’esquisser rapidement, il n’y a dans chaque être aucune tendance innée ou nécessaire qui le pousse vers un avancement progressif dans l’échelle de l’organisation. Nous sommes presque forcés de regarder la spécialisation ou la différenciation des organes pour les diverses fonctions qu’ils ont à remplir, comme le meilleur et même le seul critère de leur perfectionnement,