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VERS À SOIE.

Selon M. Robinet, par suite d’une sélection soigneuse, poursuivie pendant les dernières soixante-quinze années, la race blanche, dite Sina « est arrivée à un tel degré de pureté, qu’on ne trouve pas un seul cocon jaune dans des millions de cocons blancs[1]. » Il y a quelquefois des cocons qui sont totalement dépourvus de soie, mais donnent cependant le papillon ; un accident a malheureusement empêché Mme Whitby de vérifier si ce fait était héréditaire.

État adulte. — Je ne trouve pas de documents relatifs à aucune différence constante chez les papillons des races les plus distinctes. Mme Whitby n’en a point constaté dans les diverses races qu’elle a élevées, et je tiens d’un naturaliste éminent, M. de Quatrefages, la confirmation du même fait. Le capitaine Hutton[2] remarque que les papillons de toutes les sortes varient beaucoup de couleur, mais toujours d’une manière inconstante. Ce point est intéressant, si on considère combien, dans les différentes races, les cocons sont différents, et doit probablement s’expliquer de la même manière que les fluctuations variables de la couleur chez le ver à soie, c’est-à-dire, parce que l’éleveur n’a pas de raison pour choisir et perpétuer aucune variation particulière.

Les mâles des Bombycidés sauvages volent rapidement dans le jour et dans la soirée, mais les femelles sont ordinairement apathiques et inactives[3]. Dans plusieurs papillons de cette famille, les femelles ont les ailes atrophiées, mais on ne connaît aucun exemple de mâles incapables de vol, auquel cas l’espèce risquerait de ne pouvoir se perpétuer. Dans le Bombyx du ver à soie, les deux sexes ont des ailes imparfaites, froissées, et ne peuvent pas voler ; mais il reste cependant une trace de distinction caractéristique entre les deux sexes, car bien qu’on ne voie pas de différence dans le développement des ailes des mâles et des femelles, je tiens de Mme Whitby que, dans les papillons qu’elle avait élevés, les mâles se servaient de leurs ailes plus que les femelles, et pouvaient voleter un peu en descendant, mais non en montant. Elle a remarqué aussi, qu’à leur sortie du cocon, les ailes des femelles étaient moins étalées que celles des mâles. Le degré d’imperfection des ailes, varie d’ailleurs beaucoup dans les différentes races, suivant les circonstances. M. de Quatrefages[4] dit avoir vu beaucoup de papillons, dont les ailes étaient réduites au tiers, au quart, ou au dixième de leurs dimensions normales, quelquefois même à n’être que des moignons droits et courts : « il semble qu’il y ait là un véritable arrêt de développement partiel. » D’autre part, il décrit les papillons femelles de la race André-Jean, comme « ayant leurs ailes larges et étalées. Un seul présente quelques courbures irrégulières et des plis anomaux. » Comme les papillons de tous genres, provenant de chenilles sauvages et éclos en captivité, ont souvent les ailes rabougries, la même cause, quelle qu’elle puisse être, a probablement agi sur les Bombyx des vers à soie ; mais on

  1. Robinet. O. C., p. 306–317.
  2. O. C., p. 317.
  3. Illustrations Haustellata, vol. II, p. 35, de Stephens. — Voir aussi Cap. Hutton ; O. C., p. 152.
  4. O. C., p. 304, 209.