Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 1, 1868.pdf/399

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
383
ARBRES.

traits caractéristiques d’espèces distinctes du genre, et même d’espèces appartenant à des genres différents mais voisins ; ainsi le melon-serpent ressemble un peu au fruit du Trichosanthes anguina. Nous avons vu que d’autres variétés ressemblent aux concombres ; quelques variétés d’Égypte ont les pepins adhérents à une portion de la pulpe, fait qui caractérise certaines formes sauvages. Enfin une variété d’Alger annonce sa maturation par une dislocation subite et spontanée, le fruit se fissure brusquement et tombe en morceaux ; ce qui arrive aussi au C. momordica sauvage. Finalement, c’est avec raison que Naudin a fait remarquer que cette production extraordinaire de races et de variétés par une seule espèce, et leur constance lorsqu’il n’intervient pas de croisements dans le cours de leur reproduction, sont des phénomènes qui doivent faire réfléchir.

ARBRES UTILES ET D’AGRÉMENT.

Les arbres méritent une mention en raison des nombreuses variétés qu’ils présentent, et qui diffèrent par leur précocité, leur mode de croissance, leur feuillage et leur écorce. Ainsi le catalogue de MM. Lawson, d’Édimbourg, comprend vingt et une variétés du frêne commun (Fraxinus excelsior), dont quelques-unes diffèrent par l’écorce, qui est jaune, marbrée de blanc rougeâtre, pourpre, verruqueuse, ou fongueuse[1]. Dans la pépinière de M. Paul[2], on trouve alignées non moins de quatre-vingt-quatre variétés de houx. Autant que j’ai pu m’en assurer, toutes les variétés d’arbres enregistrées ont surgi soudainement et ont été le résultat d’une seule variation, mais le temps nécessaire pour élever un certain nombre de générations, et le peu de valeur que peuvent avoir les variations de fantaisie, expliquent pourquoi on n’a pas accumulé par voie de sélection les modifications qui ont pu occasionnellement se présenter, et aussi pourquoi nous ne rencontrons pas dans ce cas des sous-variétés subordonnées à des variétés, ou celles-ci à des formes d’ordre supérieur. Cependant sur le continent, où on a plus de soin des forêts qu’en Angleterre, Alph. de Candolle[3] assure que tous les forestiers recherchent toujours les graines des variétés qu’ils estiment avoir le plus de valeur.

Nos arbres utiles ont rarement été soumis à des changements considérables dans leurs conditions extérieures, ils n’ont pas reçu de riche fumure, et les espèces anglaises croissent dans leur propre climat. Cependant, lorsqu’on examine dans les pépinières des semis considérables de jeunes plantes, on peut généralement y constater des différences importantes ; et, en parcourant l’Angleterre, j’ai été frappé de la diversité d’apparence qu’une même espèce peut présenter dans nos bois et nos haies. Mais comme les plantes varient déjà beaucoup à l’état vraiment sauvage, il serait difficile, même à un botaniste habile, de décider si, comme je le crois, les arbres des haies varient davantage que ceux qui croissent dans les forêts.

  1. Loudon’s Arboretum et Fruticetum, vol. II, p. 1217.
  2. Gardener’s Chronicle, 1866, p. 1096.
  3. O. C., p. 1096.