Aller au contenu

Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 1, 1868.pdf/431

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
415
DE REPRODUCTION ET DE VARIATION.

et atteindre leur hauteur complète, au lieu de périr, on eût eu là un hybride curieux ; mais, même si quelques bourgeons eussent ultérieurement fait retour aux formes parentes, le cas, quoique plus complexe, n’eût pas encore été tout à fait analogue à celui du C. Adami. D’autre part, un melon hybride décrit par Sageret[1], a peut-être eu une origine semblable, car ses deux branches principales, qui partaient de deux cotylédons, produisirent des fruits très-différents, — l’une portant des melons comme ceux de la variété paternelle, tandis que les fruits de l’autre ressemblaient à ceux de la maternelle, le melon de Chine.

La fameuse orange Bizarria offre un cas parallèle à celui du C. Adami. Le jardinier qui a produit cet arbre en 1644 à Florence, a déclaré que c’était un individu levé de graine et qui avait été greffé. La greffe ayant péri, la souche avait poussé des rejetons qui ont produit la Bizarria. Galesio qui en a examiné plusieurs échantillons vivants, et les a comparés à la description donnée par P. Nato[2], assure que l’arbre produit en même temps des feuilles, fleurs et fruits, identiques à ceux de l’orange amère, et du citron de Florence, et également des fruits mixtes, où les deux sortes sont fondues ensemble, tant extérieurement qu’intérieurement, ou séparées de diverses manières. Cet arbre se propage par boutures en conservant ses caractères mixtes. L’orange trifaciale d’Alexandrie et de Smyrne[3] ressemble d’une manière générale à la Bizarria, mais en diffère en ce qu’elle réunit sur le même fruit, le citron et l’orange douce, ou les produit séparément sur le même arbre ; on ne sait rien de son origine. Plusieurs auteurs regardent la Bizarria comme un métis de greffe ; Gallesio croit que c’est un hybride ordinaire, qui fait facilement retour aux formes parentes par bourgeons ; nous avons vu dans le précédent chapitre que les espèces du genre se croisent souvent d’une manière spontanée.

Voici encore un cas analogue mais douteux. Un Æsculus rubicunda[4] a produit annuellement dans un jardin, sur une de ses branches, des épis de fleurs d’un jaune pâle, semblables par la couleur à celles de l’Æ. flava, mais plus petites. Si, comme le croit l’auteur de l’observation, l’Æ. rubicunda est un hybride dont l’Æ. flava soit un des parents, nous avons un cas de retour partiel vers une des formes souches. Si comme le soutiennent quelques botanistes, l’Æ. rubicunda n’est pas un hybride, mais une espèce naturelle, ce n’est alors qu’un cas de variation de bourgeons.

Voici quelques faits qui montrent que les hybrides produits de graine font quelquefois retour par bourgeons aux formes parentes. Ainsi, des métis entre les Tropæolum minus et majus[5] ont produit d’abord des fleurs intermédiaires par leur grosseur, leur couleur et leur structure, à celles des deux parents, mais plus tard dans la saison, quelques plantes donnèrent des fleurs ressemblant, sous tous les rapports, à celles de la

  1. Pomologie physiologique, 1830, p. 126.
  2. Gallesio, Gli Agrumi dei Giard. Bot. Agrar. di Firenze, 1839, p. 11.
  3. Gard. Chron., 1835, p. 628. Voir prof. Gaspary, Transact. Hort. Congress of Amsterdam, 1865.
  4. Gard. Chron., 1851, p. 406.
  5. Gärtner, Bastarderzeugung, p. 549. — Il est toutefois encore douteux si ces deux plantes doivent être regardées comme des espèces ou variétés.