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CHEVAUX.

bétail sauvage au lasso, et qu’on est obligé pour cet objet d’importer à grands frais de la Plata des chevaux plus grands. La diminution de la taille chez les chevaux insulaires, soit au nord soit au sud, ainsi que chez ceux qui habitent différentes chaînes de montagnes, ne peut être attribuée au froid, puisqu’une réduction semblable s’est produite dans les îles virginiennes et méditerranéennes. Le cheval peut supporter un froid intense, car on en rencontre des troupeaux sauvages sous le 56° de latitude nord dans les plaines de la Sibérie[1], et le cheval doit primitivement avoir habité des régions couvertes annuellement de neige, car il conserve longtemps l’instinct de gratter la neige pour atteindre l’herbe qui est dessous. Les tarpans sauvages de l’Orient ont cet instinct, et j’apprends par l’amiral Sulivan que c’est aussi le cas des chevaux qui sont redevenus sauvages dans les îles Falkland ; c’est d’autant plus remarquable que les ancêtres de ces chevaux ne doivent pas avoir conservé cet instinct pendant beaucoup de générations à la Plata. Le bétail sauvage des Falkland ne gratte jamais la neige, et périt quand la terre en est trop longtemps couverte. Dans la partie nord de l’Amérique, les chevaux descendants de ceux qu’importèrent les conquérants espagnols du Mexique, ont la même habitude, ainsi que les bisons indigènes, mais le bétail amené d’Europe ne l’a pas[2].

Le cheval peut prospérer aussi bien sous les fortes chaleurs que sous les grands froids ; c’est en effet en Arabie et dans l’Afrique du Nord qu’il atteint sa plus haute perfection, sinon une grande taille. L’excès d’humidité paraît plus nuisible au cheval que le chaud ou le froid. Dans les îles Falkland, les chevaux souffrent beaucoup de l’humidité, et c’est peut-être ce qui explique ce fait singulier, qu’à l’est de la baie du Bengale[3], sur une région d’une étendue immense et humide, à Ava, Pégu, Siam, l’archipel Malais, les îles Loo-choo, et une grande partie de la Chine, on ne trouve pas un seul cheval de

  1. Pallas, Act. Acad., Saint-Pétersbourg, 1777, part. ii, p. 265. — Voir col. H. Smith, Nat. Library, vol. xii, p. 165 au sujet du grattage de la neige par les tarpans.
  2. Franklin, Narrative, vol. I, p. 87, note par sir J. Richardson.
  3. M. J. H. Moor, Not. of the Indian Archipelago, Singapore, 1837, p. 189. — Un poney de Java envoyé à la reine n’avait que 70 centimètres de haut (Athenœum, 1842, p. 718). — Beechey, Voyage, 4e édit. I, p. 499 pour les îles Loo-choo.