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PRÉFACE.

avec l’énergie du désespoir, comme le noyé à un brin de paille. Les espèces, créées toutes d’une pièce, avaient surgi, appropriées aux besoins de l’habitat par une volonté indépendante de la terre et du monde entier, et elles avaient été détruites par une explosion soudaine de cette même volonté capricieuse. Le zoologiste n’avait rien autre chose à faire que d’étudier minutieusement les caractères de ces types immuables, les enregistrer et les classer en attendant que Dieu, qui les créa, rompît le moule, comme disait le poète. Tranquilles sur l’immutabilité des espèces, qui ne devaient varier que dans des caractères insignifiants, nous assistions indifférents aux efforts des éleveurs, qui moulaient pour ainsi dire la matière organique vivante de nos animaux domestiques, pour l’adapter soit à nos besoins, soit à nos caprices, et leurs produits paraissaient bien sur les marchés et dans les expositions, mais jamais dans nos musées et dans nos collections.

Ce temps de quiétude inconsciente est passé. Nous sommes forcés de reconnaître que des domaines entiers et considérables de la science ont été négligés, abandonnés, dédaignés même ; qu’il faut nous remettre au travail, réunir des faits, accumuler des observations, instituer des expériences multiples et de longue haleine, quitter les routes battues pour frayer de nouveaux sentiers étroits et difficiles ! On se révolterait certes pour de moindres exigences, surtout si l’on sommeille en paix, sur un fauteuil académique, conquis avec peine et conservé par la force de l’inertie !

Or c’est ici, si je ne me trompe, que se trouve le point