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CHEVAUX.

qu’elle caractérise les sept ou huit autres espèces du genre. Il est remarquable qu’un caractère aussi insignifiant que celui de la duplication ou triplication de la bande de l’épaule se retrouve dans des races aussi différentes que les poneys du pays de Galles et du Devonshire, le poney shan, les chevaux de gros trait, les chevaux légers de l’Amérique du Sud, et la race légère des Kattywars. Le colonel Ham. Smith suppose qu’une de ces cinq souches primitives était isabelle et rayée, et que les raies de toutes les autres races résultent d’un croisement ancien avec cette race ; mais il est excessivement peu probable que des races différentes vivant dans des parties du globe aussi éloignées les unes des autres aient pu toutes être croisées ainsi avec une souche primitivement distincte. Nous n’avons d’ailleurs aucune raison pour croire que les effets d’un croisement aussi ancien aient pu se propager pendant autant de générations que cette manière de voir semblerait l’impliquer.

Quant à ce qui concerne la couleur primitive du cheval que le colonel H. Smith[1] suppose avoir été isabelle, cet auteur a réuni un grand nombre de faits qui prouvent que cette teinte était très-commune en Orient, en remontant jusqu’à l’époque d’Alexandre, et que les chevaux de l’Asie occidentale et de l’Europe orientale offrent encore actuellement les diverses variantes de cette nuance. Il n’y a pas longtemps qu’on conservait dans les parcs royaux de Prusse, une race sauvage de cette même couleur avec la raie dorsale. En Hongrie et en Norwége les habitants regardent les chevaux isabelles à raie dorsale comme la souche primitive. Dans les parties montagneuses du Devonshire, du pays de Galles et de l’Écosse, où la race primitive doit avoir eu le plus de chances de se conserver, les poneys isabelles ne sont pas rares. Dans l’Amérique du Sud, du temps d’Azara, où le cheval était redevenu sauvage depuis 250 ans, les 0,90 des chevaux étaient bai châtain, et le reste zains, et pas plus de 1 sur 2,000 noir. Zain signifie généralement manteau foncé sans aucune trace de blanc, mais

  1. Naturalist’s Library, vol, XII, 1841, p. 109, 156, 163, 280, 281. — La teinte café-au-lait, passant à l’isabelle (c’est-à-dire, la couleur du linge sale de la reine Isabelle) paraît avoir été commune autrefois. Voir les récits de Pallas sur les chevaux sauvages d’Orient, où il parle de l’isabelle et du brun comme étant les couleurs prédominantes.