Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 2, 1868.djvu/112

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
105
PAR LE CROISEMENT.

et d’une poule malaise, quelques oiseaux bleuâtres, qui demeurèrent de génération en génération constants par la couleur. La race Himalayenne du lapin a été formée par le croisement de deux variétés du lapin gris argenté, et bien qu’elle ait surgi brusquement avec ses caractères actuels, qui sont fort différents de ceux de ses parents, elle s’est depuis facilement et constamment propagée sans changement. J’ai croisé des canards Labradors et Pingouins, et recroisé leurs produits avec des Pingouins ; la plupart des canards élevés pendant trois générations furent presque uniformes, de couleur brune, avec une marque blanche en forme de croissant sur la partie inférieure de la poitrine, et quelques taches blanches à la base du bec ; de sorte qu’avec un peu de sélection une nouvelle race eût facilement pu être formée. Pour les plantes, M. Beaton[1] constate que « le croisement opéré par Melleville entre un chou écossais et un autre chou précoce est un produit aussi fixe qu’aucune autre variété de chou connue ; » mais il est probable que dans ce cas la sélection aura été employée. Gärtner[2] cite cinq cas d’hybrides, dont la descendance s’est maintenue constante ; et des hybrides des Dianthus armeria et deltoides sont restés fixes et uniformes jusqu’à la dixième génération. Le Dr Herbert m’a également montré un hybride de deux espèces de Loasa, qui dès son apparition s’était maintenu constant pendant plusieurs générations.

Nous avons vu dans les premiers chapitres de cet ouvrage que quelques-uns de nos animaux domestiques, tels que le chien, le bétail, le porc, etc., sont presque certainement les descendants de plus d’une espèce, ou race sauvage, si on préfère appliquer ce dernier terme aux formes capables de se maintenir distinctes à l’état de nature. Le croisement d’espèces primitivement distinctes a donc probablement dû, dès les premières périodes, jouer un rôle dans la formation de nos races actuelles. D’après les observations de Rütimeyer, il n’y a presque pas à douter que cela ne soit arrivé pour le bétail, et dans la plupart des cas, il est probable que, dans ces croisements libres, une des formes aura absorbé et fait disparaître les autres. Il n’est pas en effet présumable que des hommes à

  1. Cottage Gardener, 1856, p. 110.
  2. O. C., p. 553.