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AVANTAGES DU CROISEMENT.

en nombre. Il est probable que c’est ainsi que des sauvages dégradés auront acquis, d’une manière inconsciente, leur aversion et leur horreur pour les mariages incestueux, bien plutôt qu’ils n’en auront découvert, par le raisonnement et l’observation, les inconvénients fâcheux. Le fait que cette aversion fait parfois défaut n’est pas un argument valable contre la nature instinctive du sentiment, car on sait que tout instinct peut occasionnellement manquer ou être vicié, comme cela arrive pour l’amour maternel ou les sympathies sociales. En ce qui concerne l’homme, il est probable qu’on ne pourra jamais établir par des preuves directes si les alliances consanguines ont des effets nuisibles, parce qu’il ne se propage que lentement, et qu’il ne peut être soumis à aucune expérimentation ; mais le fait que, de tous temps et dans toutes les races, l’usage universel a proscrit les mariages consanguins, est certainement un argument d’un grand poids. D’ailleurs, nous sommes certains que la conclusion, quelle qu’elle puisse être, à laquelle nous conduira l’étude des animaux supérieurs, sera applicable à l’homme.


Si nous passons aux oiseaux, nous pourrons réunir un ensemble considérable de preuves, qui condamnent les unions consanguines dans les races gallines. Sir J. Sebright constate que les nombreuses expériences qu’il a tentées sur ce point ont toujours eu pour résultat des oiseaux à longues jambes, à petit corps, et mauvais reproducteurs[1]. Il a produit les fameux Bantams qui portent son nom, par des croisements complexes, et par des unions consanguines à un degré très-rapproché ; et depuis leur création, d’autres éleveurs ont suivi le même système avec ses Bantams, qui sont aujourd’hui notés comme mauvais reproducteurs. J’ai vu des Bantams argentés provenant directement de sa souche, qui étaient devenus aussi stériles que des hybrides, et qui, sur deux fortes couvées d’œufs, ne produisirent pas un seul poulet. M. Hewitt a remarqué que dans les Bantams, la stérilité du mâle est, à de rares exceptions près, étroitement liée à la perte de certains caractères masculins secondaires, et il ajoute : « J’ai constaté, comme règle générale, que la moindre déviation du caractère féminin du Bantam Sebright mâle, — ne fût-ce que l’allongement d’un demi-pouce des deux principales rectrices, — correspond à une probabilité d’augmentation dans sa fécondité[2]. »

M. Wright[3] raconte que les coqs de combat si célèbres de M. Clark,

  1. Art of improving the breed, p. 13.
  2. The Poultry Book, M. Tegetmeier, 1866, p. 245.
  3. Journ. Roy. Agric. Soc., 1846, vol. VII, p. 205. — Ferguson, On the Fowl, p. 83,