Aller au contenu

Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 2, 1868.djvu/143

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
136
AVANTAGES DU CROISEMENT.

d’un croisement sont plus vigoureux et plus robustes que leurs parents[1].

Comme les affirmations générales de ce genre n’offrent rien de précis, j’ai entrepris une série d’expériences, qui, si elles continuent à donner les mêmes résultats que jusqu’à présent, trancheront définitivement la question relative aux effets avantageux du croisement de plantes distinctes d’une même variété, et aux inconvénients de la fécondation de la plante par elle-même. Elles jetteront ainsi du jour sur le fait, que toutes les fleurs sont conformées de manière à permettre, favoriser ou nécessiter le concours de deux individus. Nous comprendrons nettement pourquoi il existe des plantes monoïques et dioïques, des plantes dimorphes et trimorphes, et d’autres cas semblables. J’ai, pour ces expériences, placé mes plantes dans un même vase ou dans des vases de même grandeur, et en pleine terre ou rapprochées ; je les mets à l’abri des insectes ; je féconde quelques fleurs avec le pollen de la même fleur, et d’autres, sur la même plante, avec du pollen d’une plante voisine distincte. Dans beaucoup d’expériences, mais pas dans toutes, les plantes croisées ont fourni beaucoup plus de graines que celles qui se sont fécondées par elles-mêmes, et jamais l’inverse ne s’est présenté. Les graines des deux provenances ont été mises sur du sable humide dans le même vase, et à mesure qu’elles germaient elles étaient plantées par paires des deux côtés opposés du vase, et placées de façon à recevoir une lumière égale. Dans d’autres cas, les graines ont été simplement semées dans le même vase en face les unes des autres. J’ai ainsi suivi divers systèmes ; mais, dans tous les cas, j’ai pris toutes les précautions possibles pour que les deux lots fussent dans des conditions semblables. J’ai observé avec soin la croissance des plantes levées de ces deux catégories de graines, dans des espèces des genres suivants : Brassica, Lathyrus, Lupinus, Lobelia, Lactuca, Dianthus, Myosotis, Petunia, Linaria, Calceolaria, Mimulus et Ipomœa ; et j’ai pu constater les différences les plus évidentes et les plus marquées dans leur croissance, et, dans certains cas, une résistance remarquable à des conditions défavorables. Il est important de semer les deux lots de graines sur les côtés opposés du même vase, pour que les jeunes plantes aient à lutter entre elles, parce que si on les sème séparément et à l’aise dans un bon sol, il n’y a souvent que peu de différence dans leur croissance.

Voici les deux cas les plus remarquables que j’aie observés jusqu’à présent. Six graines croisées, et six fécondées par elles-mêmes de l’Ipomœa purpurea, ont été plantées aussitôt après leur germination, par paires opposées, dans deux vases, avec des baguettes égales de grosseur pour qu’elles pussent s’y enrouler. Cinq des plantes croisées poussèrent d’abord beaucoup plus vite que leurs opposées ; la sixième était faible et fut d’abord battue par son antagoniste, mais enfin sa constitution plus robuste l’emporta, et elle finit par le dépasser. Dès que chaque plante croisée eut atteint le sommet de sa baguette de sept pieds, je mesurai son antagoniste, et le résultat fut que lorsque les plantes croisées eurent les sept pieds, les autres n’étaient arrivées en moyenne qu’à cinq pieds, quatre pouces et

  1. De la Fécondation, 2e édit, 1862, p. 79.