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AVANTAGES DU CROISEMENT.

jamais produit de fruit par son pollen, mais en donna lorsqu’elle fut fécondée dans un cas par du pollen d’une P. cærulea, et dans un autre par celui d’une P. edulis. Toutefois, dans un troisième cas, une P. quadrangularis a donné des fruits, quoique artificiellement fécondée par son propre pollen. Un agriculteur expérimenté a récemment remarqué[1] que les fleurs de P. laurifolia doivent être fécondées par du pollen de P. cærulea, ou d’une autre espèce commune, leur propre pollen n’exerçant sur elles aucune action fécondante. M. Scott[2] a donné sur ces plantes des détails complets : des plantes de Passiflora racemosa, cærulea, et alata, ont pendant plusieurs années abondamment fleuri au Jardin Botanique d’Édimbourg, sans produire aucune graine, bien qu’elles eussent été fécondées à maintes reprises par leur propre pollen ; elles en donnèrent aussitôt qu’on se mit à les croiser de diverses manières. Dans le cas de P. cærulea, trois plantes, dont deux du Jardin Botanique, devinrent toutes fertiles, simplement en les fécondant chacune par le pollen de l’autre. Le même résultat fut atteint pour une P. alata sur trois. Comme nous avons énuméré tant d’espèces impuissantes par elles-mêmes, constatons que chez la P. gracilis, qui est annuelle, les fleurs sont presque aussi fertiles, qu’elles soient fécondées par leur pollen ou par un autre ; ainsi seize fleurs fécondées spontanément par elles-mêmes ont donné des fruits contenant en moyenne 21,3 graines, tandis que pour quatorze autres fleurs croisées, la moyenne a été de 24,1 graines.

J’ai reçu en 1866 de M. Robinson Munro, quelques détails intéressants sur la P. alata. Nous en avons déjà mentionné trois comme stériles par elles-mêmes, et M. Munro m’apprend qu’il en a vu plusieurs autres qui étaient dans le même cas. Cette espèce paraît cependant produire des fruits, même fécondée par son propre pollen, dans d’autres localités. À Taymouth Castle, il en existe une plante qui avait autrefois été greffée par M. Donaldson sur une espère distincte, dont le nom est inconnu, et depuis cette opération, elle a toujours produit son fruit en abondance, fécondée par elle-même ; de sorte que ce faible changement dans l’état de la plante, a suffi pour lui rendre sa fécondité ! Quelques plantes venues de la graine de Taymouth Castle se sont trouvées être stériles non-seulement fécondées par leur propre pollen, mais aussi par le pollen des autres, et par celui d’espèces distinctes. Du pollen de ces mêmes plantes n’a pas pu féconder certaines plantes de la même espèce, mais réussit sur une dans le Jardin Botanique d’Édimbourg. Des plantes avant été levées de la graine de cette union, M. Munro tenta de féconder quelques fleurs par leur propre pollen, mais elles se montrèrent aussi stériles que la plante mère, sauf cependant lorsqu’elles furent fécondées tant par la plante greffée de Taymouth, que par les propres produits de graine de cette dernière. En effet. M. Munro ayant fécondé dix-huit fleurs de la plante mère impuissante par du pollen de ses produits de graine également impuissants à se féconder par eux-mêmes, obtint, à son grand étonnement, dix-huit belles capsules pleines

  1. Gardener’s Chronicle, 1866, p. 108.
  2. Journ. of Proc. of Linn. Soc., vol. VIII, 1861, p. 168.