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DES CHANGEMENTS DE CONDITIONS

dans les forêts des tropiques, ont été enfermés dans de petits enclos sous nos climats tempérés. Presque toutes les espèces cependant, même le Casuarius Bennettii, de la Nouvelle-Irlande, ont souvent produit des petits, dans les différentes ménageries européennes. L’autruche africaine, qui vit en bonne santé et longtemps dans le midi de la France, ne pond jamais plus de douze à quinze œufs, tandis que dans son pays natal, elle en pond de vingt-cinq à trente[1]. Nous avons là un cas de fécondité amoindrie par la captivité, mais non perdue, de même que pour l’écureuil volant, la poule faisane et deux espèces de pigeons américains.

La plupart des échassiers peuvent s’apprivoiser avec la plus grande facilité, à ce que j’apprends du Rév. D. S. Dixon ; mais plusieurs ne vivent pas longtemps en captivité, de sorte que leur stérilité dans cet état n’est pas étonnante. Les grues se reproduisent mieux que les autres genres : la Grus montigresia s’est reproduite plusieurs fois à Paris et au Jardin Zoologique de Londres, ainsi que la G. cinerea dans ce dernier endroit ; et la G. antigone à Calcutta. Parmi d’autres membres de ce grand ordre, le Tetrapteryx paradisea a reproduit à Knowsley, un Porphyrio en Sicile, et la Gallinula chloropus au Jardin Zoologique. Plusieurs oiseaux du même ordre ne se reproduisent pas d’autre part dans leur pays natal, la Jamaïque ; il en est de même des Psophia, que les Indiens de la Guyane conservent autour de leurs maisons[2].

Il n’y a pas d’oiseaux qui reproduisent avec plus de facilité en captivité que les membres de la grande famille des canards, ce à quoi on ne se serait guère attendu, vu leurs mœurs errantes et aquatiques, et leur genre de nourriture. La reproduction a été observée au Jardin Zoologique chez plus de vingt-quatre espèces, et M. Selys Longchamps a consigné la production d’hybrides chez quarante-quatre membres différents de la famille, cas auxquels le professeur Newton en a ajouté quelques autres[3]. M. Dixon[4] croit qu’il n’y a pas dans le monde entier une oie qui ne soit domesticable dans le vrai sens du mot, c’est-à-dire capable de se reproduire en captivité, mais cette assertion est peut-être trop hasardée. L’aptitude à reproduire varie quelquefois chez les individus d’une même espèce ; ainsi Audubon[5] a conservé quelques oies sauvages (Anser Canadensis) pendant huit ans, sans qu’elles aient voulu s’apparier, tandis que d’autres individus de la même espèce donnèrent des petits dès la deuxième année. Je ne connais dans toute la famille qu’un seul cas d’une espèce refusant absolument de reproduire en captivité ; c’est celui de la Dendrocygna viduata, quoiqu’elle soit, d’après Sir R. Schomburgk, d’un apprivoisement facile, chez les Indiens de la Guyane[6]. Enfin, avant l’année 1848, on ne

  1. Marcel de Serres, Ann. des Sciences nat., 2e série, Zoologie, t. XIII, p. 175.
  2. Dr Hancock, O. C., p. 491. — R. Hill, O. C., p. 8. — Guide to the Zoological Gardens, by P. L. Sclater, 1859, p. 11, 12. — The Knowsley Menagerie, by Dr Gray, 1846, pl. XIV. — E. Blyth, Report Asiatic Soc. of Bengal, Mai 1855.
  3. Prof. Newton, Proc. Zool. Soc., 1860, p. 336.
  4. The Dovecote and Aviary, p. 428.
  5. Ornithological Biography, vol. III, p. 9.
  6. Geograph. Journal, vol. XIII, 1844, p. 32.