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Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 2, 1868.djvu/175

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DES CHANGEMENTS DE CONDITIONS

et, d’après Rengger, aux animaux indigènes tenus en captivité au Paraguay. Le lait de la mère tarit souvent. Nous pouvons aussi attribuer à la perturbation des fonctions sexuelles l’instinct monstrueux qui porte la mère à dévorer ses petits, — cas mystérieux d’apparente dépravation.

Nous avons donné suffisamment de faits pour prouver que, lorsque les animaux sont captifs, ils sont éminemment sujets à avoir leurs organes reproducteurs affectés. Il semblait naturel d’attribuer cet effet à une perte sinon de santé, du moins de vigueur ; mais on ne peut guère soutenir cette idée devant la santé, la longévité et la vigueur dont jouissent en captivité un grand nombre d’animaux, comme les perroquets, les faucons employés pour la chasse, les guépards qu’on utilise au même but, et les éléphants. Les organes reproducteurs en eux-mêmes ne sont point malades, et les maladies qui causent ordinairement la mort des animaux dans les ménageries ne sont pas de celles qui portent atteinte à leur fécondité. Aucun animal n’est plus sujet aux maladies que le mouton, qui est cependant extrêmement prolifique. Le défaut de reproduction chez les animaux captifs a été souvent exclusivement attribué à la perte des instincts sexuels ; ce qui peut arriver quelquefois ; mais on ne peut concevoir pour quelle raison et comment ces instincts pourraient être affectés chez les animaux apprivoisés, autrement que par la perturbation même du système reproducteur. En outre, on a de nombreux cas d’accouplements ayant eu lieu librement en captivité, sans avoir été suivis de conception ; ou si celle-ci a eu lieu et que des jeunes aient été produits, ils ont été moins nombreux qu’ils ne devaient l’être naturellement dans l’espèce. Dans le règne végétal, où l’instinct ne joue aucun rôle, nous verrons bientôt cependant que les plantes enlevées à leurs conditions naturelles sont affectées à peu près de la même manière que les animaux. La perte de la fécondité ne peut être causée par le changement de climat, car, tandis que beaucoup d’animaux importés en Europe et provenant des climats les plus divers se reproduisent librement, un grand nombre d’autres se montrent complétement stériles en captivité dans leur propre pays. Le changement de nourriture ne peut pas non plus être la cause principale de la stérilité, car les autruches, les canards et bien d’autres animaux,