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HÉRÉDITÉ.

l’existence même de races persistantes, proclame le pouvoir de l’hérédité.

Je dirai pourtant quelques mots sur certains cas spéciaux. On aurait pu supposer que les déviations des lois de la symétrie ne dussent pas être héréditaires. Mais Anderson[1] raconte que, dans une portée de lapins, il s’en trouva accidentellement un n’ayant qu’une oreille, et qui devint le point de départ d’une race, laquelle continua à produire des lapins à oreille unique. Il mentionne aussi le cas d’une chienne, manquant d’une jambe, et qui produisit plusieurs chiens ayant la même défectuosité. D’après Hofacker[2], il paraît qu’en 1781, on signala dans une forêt d’Allemagne, un cerf n’ayant qu’une corne, puis, en 1788, deux ; et qu’ensuite, pendant plusieurs années, on en observa plusieurs ne portant qu’une corne du côté droit. Une vache, ayant perdu une corne à la suite d’une suppuration[3], donna naissance à trois veaux qui avaient, du même côté de la tête, au lieu d’une corne, une petite loupe osseuse attachée à la peau ; mais ici nous touchons au sujet douteux des mutilations héréditaires. La particularité d’être gaucher, ou le renversement de la spire dans les coquilles, sont des déviations de l’état normal, bien qu’elles restent symétriques, et sont connues pour être héréditaires.


Polydactylie. — Les doigts surnuméraires aux mains et aux pieds, sont très-souvent transmissibles, ainsi que l’ont remarqué plusieurs auteurs : mais nous en faisons mention ici à cause de leur propriété de repousser après amputation. La polydactylie peut présenter une série d’états gradués[4], depuis un simple appendice cutané dépourvu d’os, jusqu’à une main double. Mais on trouve quelquefois un doigt supplémentaire, porté sur un os métacarpien, pourvu de tous ses muscles, nerfs et vaisseaux, et si complet, qu’il échappe à première vue, et qu’on ne s’en aperçoit qu’en comptant les doigts. Il y a parfois plusieurs doigts surnuméraires, mais ordinairement il n’y en a qu’un, qui peut représenter un pouce ou un doigt, suivant qu’il est fixé au bord interne ou externe de la main. En général, par corrélation, les mains et les pieds sont affectés de la même manière. J’ai relevé tous les cas consignés dans divers ou-

  1. Recreations in Agricult. and Nat. Hist., vol. I, p. 68.
  2. Ueber die Eigenschaften, etc., 1828, p. 107.
  3. Bronn, Geschichte der Natur, vol. II, p. 132.
  4. Vrolik a discuté ce point en détail dans un ouvrage publié en hollandais, dont M. Paget a eu l’obligeance de me traduire quelques passages. — Voir aussi Isid. G. Saint-Hilaire, Hist. des Anomalies, 1832, t. I, p. 684.