Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 2, 1868.djvu/229

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
222
SÉLECTION

Les anciens gourmets romains recherchaient, comme étant le plus savoureux, le foie de l’oie blanche. On élève au Paraguay les volailles à peau noire, parce qu’on les regarde comme plus productives, et leur chair comme plus convenable pour les convalescents[1]. Sir R. Schomburgk m’apprend que les naturels de la Guiane ne veulent manger ni la chair ni les œufs de volaille, dont ils élèvent cependant deux races distinctes à titre d’ornement. On élève aux îles Philippines jusqu’à neuf sous-variétés distinctes et dénommées de la race de Combat, il faut donc qu’on les maintienne séparées.

En Europe, chez nos animaux les plus utiles, on fait aujourd’hui attention à la plus petite particularité, soit par mode, soit comme marque de la pureté du sang. J’en citerai deux exemples parmi le grand nombre de ceux qu’on connaît. Dans les comtés occidentaux de l’Angleterre, le préjugé contre un porc blanc est presque aussi prononcé que l’est celui contre un porc noir en Yorkshire. Dans une des sous-races du Berkshire, le blanc doit être restreint aux quatre pieds, une petite tache entre les yeux, et quelques poils blancs derrière les épaules. Trois cents porcs en la possession de M. Saddler portaient ces marques[2]. Vers la fin du siècle dernier, Marshall[3], parlant d’un changement opéré dans une des races bovines du Yorkshire, dit qu’on avait considérablement modifié les cornes, une corne petite, nette, et aiguë, étant devenue fashionable depuis une vingtaine d’années. Dans une partie de l’Allemagne, la race de Gfœhl est estimée pour plusieurs bonnes qualités, mais il faut que ses cornes aient une certaine nuance et une courbure particulière, au point que lorsqu’elles menacent de prendre une mauvaise direction, on a recours à des moyens mécaniques pour les ramener dans la bonne ; mais les habitants considèrent comme un fait de la plus haute importance et indispensable, que les naseaux du taureau soient de couleur chair, et les cils clairs. On n’achèterait pas, ou on ne donnerait qu’un prix très-bas d’un veau à naseaux foncés[4]. Personne ne peut donc dire qu’il y ait des caractères ou des détails trop insigni-

  1. Azara, O. C., t. II. p. 324.
  2. Youatt, édition Sidney, 1860, p. 24, 25.
  3. Rural Economy of Yorkshire, vol. II, p. 182.
  4. Moll et Gayot, Du bœuf, 1860, p. 547.